Saturday, December 29, 2012

La mort est douce


«La mort est la dernière étape sur la route de la liberté». Ce sont les paroles du pasteur et théologien Dietrich Bonhoeffer dont je viens de lire la biographie. C’est ce qu’il a dit à ses amis de prison lorsqu’il a été emmené pour son exécution, deux semaines avant l’arrivée des alliés. Il faisait partie du complot contre Hitler. 

Dans un sermon écrit plusieurs années plus tôt, il parle de la mort, offrant une perspective que l’on entend rarement.

«Quiconque croit en Dieu, quiconque entend parler du royaume du Ressuscité, ne peut ensuite qu’éprouver de la nostalgie, et attendre avec impatience d'être délivré de son existence corporelle. Que nous soyons jeunes ou vieux, cela ne fait pas de différence. Que sont 20, 30 ou 50 ans aux yeux de Dieu? Et qui d'entre nous peut savoir s'il est proche, ou non, de cette destination?

La vie commence seulement quand elle finit sur terre. Ici, c'est seulement le prologue avant que le rideau ne se lève. Que l'on soit jeune ou vieux. Qu'est-ce qui nous fait si peur quand nous pensons a la mort?

La mort est effrayante seulement pour ceux qui vivent dans sa crainte. La mort n'est ni féroce ni terrible. Si  nous pouvons etre immobiles et nous cramponner à la parole de Dieu, la mort n'est pas amère, a moins que nous ne soyons devenus amers nous-mêmes.

La mort est grâce, le plus beau cadeau que Dieu puisse donner à son peuple. La mort est douce. La mort est légère et réconfortante. Elle nous donne

un pouvoir céleste seulement si nous réalisons que c'est le chemin qui mène vers notre maison, le tabernacle de notre joie, l'eternel royaume de paix. 

Qu'est-ce qui nous fait croire que mourir est effrayant? Comment le savons-nous, sinon par l'angoisse humaine qui nous fait frémir en présence de l'évènement le plus céleste, le plus béni qui soit au monde? La mort est enfer, nuit et froidure si elle n'est pas transformée par notre foi. Mais c'est justement ca, qui est si merveilleux - que nous puissions transformer la mort.» 


Tuesday, December 25, 2012

Arbre de Noël 2012


Au fil des années, Irvin a accumulé une collection impressionnante de décorations de Noël. Une petite armée de sapins serait nécessaire pour la déployer. 
Cette année, il a décoré un petit sapin de ses dernières trouvailles : des ornements acquis au centre culturel d’Albuquerque, au Nouveau Mexique, donc influences par les tribus de la région, Hopi, Zuni, Navajos… 






et bien sur, nous en avons ajouté quelques autres, que nous avons depuis quelques années, qui célèbrent nos petites compagnes du quotidien. Joyeux Noël à tous !

 

Friday, December 14, 2012

Dear Sugar et le bateau fantôme

Parfois je pense à certains choix de ma vie, et ce que serait mon quotidien si, par exemple, je n’avais pas décidé, alors que j’étais étudiante à la faculté de theologie de Paris, de passer ma quatrième année aux Etats Unis, ou si, quelques années plus tôt,  j’étais restée au Barreau de Pontoise ou au Conseil de l’Ordre des médecins du Val d’Oise… 

Les lignes écrites par Dear Sugar me sont allées droit au cœur. Les conseils de Sugar (l’ecrivain Cheryl Strayed) qui paraissent dans le magazine digital Rumpus, et dont un recueil vient d’etre publié, ne ressemblent à aucun autre : des paroles lumineuses, le partage en langage souvent cru d’expériences personnelles, et en définitive des lignes pertinentes et pleines de sagesse…  

En réponse à un lecteur qui se demande s’il est prêt à devenir père, Sugar mentionne un poème écrit par le Suédois Tomas Tranströmer. «J’y pense chaque fois que je réfléchis à une question de ce genre, qui appelle un choix irrévocable… Chaque vie, écrit Tranströmer, a un bateau jumeau qui emprunte une toute autre route que celle que nous finissions par suivre. Il ne peut en être autrement. Les personnes que nous aurions pu être ont une vie différente, une vie fantôme, qui n’est pas la notre…» 

Sugar mentionne ses propres choix et conclut «Je ne connaitrais jamais, et vous non plus, la vie que finalement nous n’aurons pas choisie. Nous savons seulement que notre vie jumelle  est importante et belle  mais n’est pas notre vie. C’était le bateau jumeau sur lequel nous n’avons pas embarqué. Tout ce que nous pouvons faire, c’est le saluer du port… »


Wednesday, December 5, 2012

Appréhension et Esprit Saint


Comment va se passer cette journée? Qui vais-je rencontrer ? Un patient va-t-il mourir ? Lequel ? Vais-je être à la hauteur ? Quand je roule vers la «Hospice house», ces questions tournent dans mon esprit ; les premiers jours, elles étaient semblables à des abeilles contrariées, rapides et sans répit. Apres trois mois, les abeilles se sont amadouées, c’est l’hiver, elles vont d’un point à l’autre, transies et apaisées. 
Autrement dit, je suis plus calme. L’appréhension est toujours là, mais juste un motif dans le paysage et non plus un thème omniprésent. Je ne peux jamais prévoir les rencontres à venir, ou me préparer pour une question délicate ou une situation inattendue. La sérénité passe par l’acceptation de soi et par la confiance: je me répète que tout à l’heure, quand la question ou la situation se présentera, j’y ferai face. Et je ne serai pas seule.
Dans le gros classeur qui nous a été confié lors de l’orientation, j’ai trouvé une prière pour les moments qui précèdent une visite. Cette prière a été écrite par le chapelain Ray Kelleher. En voici la traduction : 

«Quelque chose d’important va se produire. Je pénètre dans un lieu sacré. Je vais rencontrer, incarné dans un etre humain vulnérable, le bien-aimé de Dieu. Je serai réceptif. Je ne sais pas d’avance les mots à dire, les pensées à méditer, ou quelles actions seront nécessaires, donc je fais confiance au Saint Esprit, qui me guidera de l’intérieur. Dans cet esprit de confiance, j’ouvre la porte, prêt à offrir ce qu’il y a de plus authentique et de meilleur en moi, dans le temps qui m’est imparti».

C’est la seule façon d’agir. Et je remarque, quand je me demande vers quelle chambre me diriger, ou à quelle personne parler, que bien souvent, je me trouve au bon endroit juste quand il le faut. J’aperçois une épouse en larmes au détour d’un couloir, et peut lui proposer la conversation dont elle a besoin dans la petite chapelle. Je m’assois avec un proche au chevet de sa femme et il réalise avec un cri que celle-ci vient de mourir. Plus tard, il me dira «heureusement que je n’étais pas seul…»

Je propose une couverture chaude à un patient dont je perçois la tristesse. Son cancer est hors de contrôle, et à tout moment, ce vieux monsieur émacié peut tomber et se casser. Il voudrait rentrer chez lui. Sa femme et les médecins peinent à lui expliquer que ce n’est pas possible. Il est assis dans un fauteuil dans la demi-obscurité – il refuse de s’aliter – et il n’arrive pas à se réchauffer. Il accueille la couverture, qui a été chauffée dans un four spécial, avec soulagement. Il n’aime pas parler de religions ou de ses émotions. J’arrange la couverture sur ses genoux et je pose mes mains sur les siennes, si froides. Nous passons ainsi de longues minutes, sans parler.
Il est le bien-aimé de Dieu. 

Sunday, November 25, 2012

Un pont vers l’infini



L’hospice house est un établissement confortable qui reçoit des patients dont l’espérance de vie ne dépasse pas 6 mois. (cliquer ici pour en savoir plus sur l’endroit)

En général, quand ces patients arrivent, ils sont proches de leur fin et ont besoin des soins intensifs dont l’objet est de leur rendre la vie aussi confortable que possible : atténuer la douleur, aider à respirer… La plupart des patients expirent dans les jours qui suivent leur admission.

Tant de choses que je ne peux pas espérer faire ici – et le comprendre m’a aidée à alléger mon appréhension initiale.

Ce que je ne peux pas faire : je ne peux pas guérir ces patients. Je ne peux pas dissiper le chagrin de leurs proches. Ce que peux faire : être là. Ecouter leur histoire, s’ils veulent la partager. Réfléchir avec eux au sens de ces journées. Prier avec eux s’ils le souhaitent. Et être là pour les deux moments les plus importants qui soient dans leur vie, deux moments mentionnés dans le «je vous salue Marie» appris quand j’étais catholique, dans ma jeunesse «...maintenant et à l’heure de notre mort…» C’est peu - et essentiel.

Parfois je pense à un aéroport quand je pense à l’hospice house. «Le passager à destination de l’au-delà est attendu pour un départ immédiat… »

Parfois je pense à un pont. Un pont vers une destination aux contours changeants, si souvent imaginés et totalement inconnus. Nous aidons les voyageurs à traverser le pont, nous soutenons leurs familles.

Un après-midi, j’aidais le fils d’un patient mort en notre présence quelques heures plus tôt à transporter ses affaires vers sa voiture. Il avait passe plusieurs nuits dans la chambre de son père. Tout en marchant à ses cotés, j’ai soudain réalisé que c’était à l’image de mon travail : accompagner les patients et leur famille, et les aider à transporter leurs bagages.

C’est peu – et essentiel.

Saturday, November 24, 2012

Déjà Thanksgiving??

Le quatrième jeudi de novembre est un jour à part aux USA : un jour où la tradition de se retrouver en famille autour d’une dinde est toujours respectée. J’ai eu l’occasion d’évoquer cette tradition sans equivalent d’une année à l’autre.

Cette pause au milieu de l’automne, abondamment arrosée de pluie (une autre tradition de notre région) coïncide avec la fin de ma première « unit ». L’année de residency est composée de 4 de ces units. Le moment d’évaluer les semaines qui viennent de s’écouler à une vitesse déconcertante. Hier, j’étais orientée comme toute nouvelle recrue de Franciscan Health. Et voila, nous sommes fin novembre.
Les semaines ont passé vite : 24 heures de ma semaine se déroulent a l’Hospice house. J’ai aussi des cours à l’hôpital St Joseph (que tout le monde appelle familièrement St Joe) où je suis de garde regulierement.

J’étais «apprehensive» comme on dit ici en arrivant en ce premier lundi. Je pensais aux heures à venir, je me disais : un des patients va sans doute mourir aujourd’hui. Ou demain. Est-ce que je pourrai faire face ?

Je me suis garée sur le parking des employés, un peu en retrait de la maison, pres d’un petit sous bois. Je n’étais pas seule : une biche se tenait près des voitures. Elle s’est laissé admirer, et même photographier, avant de bondir sous les arbres. C’était mon premier jour et, grace à ce comité d’accueil, déjà je me sentais mieux.


Sunday, September 2, 2012

AC s’oriente


Une fois mon identité et ma non-toxicité établies, j’ai reçu un badge qui permettra de m’identifier quand je me déplacerai dans l’hôpital.
La responsable de la sécurité, qui a pris un cliché (particulièrement peu flatteur) de mon visage, a trébuché sur la prononciation de mon prénom qu’elle devait faire figurer sous la photo. Cela arrive fréquemment (Annacicill ? Anncelice ?) et j’ai proposé de me faire appeler par mes initiales, AC, ce que font déjà de nombreux amis et toute la famille d’Irvin.

AC, prononcé à la française, n’est pas très accueillant. Mais à l’américaine, ça donne «eille-siiii » nettement plus ouvert.

L’étape suivante fut la journée d’orientation. J’étais avec Su, mon amie Coréenne, sélectionnée elle aussi pour cette residency, et une soixantaine de nouveaux employés de tous départements.

L’orientation avait lieu de 8h à 16h. Une bonne partie de ces heures était consacrée à la description des valeurs du nouvel employeur. Je me suis parfois assoupi en sursaut… Plusieurs des nouveaux employés ont été amenés à essayer des combinaisons isolantes, créant une soudaine impression de science-fiction, ça m’a ragaillardie.

L’après-midi, la sécurité des patients était à l’ordre du jour, et on nous a appris à manipuler un extincteur et à transporter des malades alités en cas d’évacuation. Dans une région sismique ombragée par un volcan en activité, ça peut etre utile.



 










Demain premier lundi de Septembre, c’est Labor Day, la fete du travail, un jour férié. Mardi sera la première journée de la residency, et une nouvelle orientation en perspective, cette fois ci juste pour les chaplains résidents. A suivre…

Saturday, September 1, 2012

Chic, je ne suis pas une félonne!

Pas une seule goutte de pluie pendant le mois d’Aout ! C’est un record battu et dans notre contrée connue pour son humidité, chacun se tourne vers les nuages, désorienté et presque inquiet.

Si le changement est dans l’air, ce n’est pas du coté de la météo mais de la rentrée qui se profile. C’est le moment de me préparer au début de la residency, – ce stage d’un an, dans le département de Pastoral care du groupe hospitalier Franciscans Group Health. Je vais donc etre «chaplain resident» de septembre à aout 2013.

Comme le stage est rémunéré, je suis amenée à suivre les démarches de tout nouvel employé. Au début de la semaine, j’étais convoquée à l'hopital St Joseph de Tacoma par le département des ressources humaines pour montrer mes papiers d’identité dont ils ont pris photocopie et donner mon accord pour vérifier mon background.

L'hopital ressemble un peu à une ruche, un grand batiment clair avec des fenetres comme des alveoles, et la vue sur le Puget Sound y est belle


J’ai aussi promis que je ne me droguais pas, que je ne fumais pas. J’ai été surprise d’apprendre que mon nouvel employeur n’engageait plus d’amateurs de cigarettes. Si vous fumez, on vous propose un stage pour vous aider à vous arrêter. Si vous n’y êtes pas prêt… reproposez votre candidature quand vous le serez.
 Arrêt suivant ce même jour : contrôle antidoping. Faire pipi dans un étroit gobelet de plastique est anatomiquement acrobatique. «Surtout ne tirez pas la chasse d’eau !» m’a prévenue la technicienne. «Pourquoi ?» ai-je demandé avec l’innocence de qui n’a jamais entrepris le tour de France. «Nous ne voulons pas que quelqu’un soit tenté d’utiliser l’eau de la chasse pour diluer le contenu du gobelet…»

Quelques jours plus tard, les résultats me parvenaient. Chic ! Je ne suis pas une félonne ! Je ne me drogue pas ! La nicotine est absente de mon système !

Et quel soulagement que la caféine et le chocolat ne figurent pas sur la liste des substances illégales…

Friday, July 20, 2012

Sonya in the Sky with Diamonds


Le plus récent : donc ce matin, avant l’aube, nous avons été réveillés simultanément par un orage et par nos deux chiennes, lesquelles ont décidé à quelques minutes d’intervalle de s’installer entre Irvin et moi pour finir la nuit. Simple précaution de leur part. Un peu de tonnerre dans le lointain de les inquiète pas mais les intempéries nocturnes sont inhabituelles dans notre région connue pour son climat pluvieux et tempéré. La tempête s’est poursuivie toute la matinée.


Pour la deuxième fois cette année, un climat complètement insolite a coïncidé avec un mariage. Lors de la tempête de glace de janvier dernier, Irvin a marié impromptu un couple dans notre salon tandis que j’offrais du café et des kleenex à l’assemblée émue. Ce matin, Irvin est parti sous les éclairs et la pluie battante pour la destination la plus touristique de Seattle : la Space Needle.

Il avait promis de célébrer le mariage de Sonya, une jeune femme qui appartient à la tribu Nez Perce, avec son fiancé Allen. Il s’agit en fait d’un remariage : Sonya et Allen ont divorcé et les voila réconciliés, à la grande joie de leurs enfants et de leurs familles.


Sonya et Allen, qui habitent en Idaho, espéraient un peu de soleil pour leur mariage en altitude. Ils ont pris avec bonne humeur les rafales de vent, la pluie et quelques éclairs qui ont accompagné la cérémonie. Mieux que personne, ils savent que les contrastes climatiques, les affrontements d’anticyclone et de hautes pressions font partie de la texture vitale d’une relation humaine.

Back to the Blog

Des semaines qui se suivent sans se ressembler, avec des voyages, de l’agitation, de longs moments de procrastination, des préparatifs d’études bibliques et de sermons, et l’envie de raconter tout ca remis à plus tard de jour en jour… Et puis voilà trois mois ont passé. L’envie de récapituler se heurte au présent – vivace et qui demande à etre décrit avec plus d’insistance – et je sais que la meilleure façon de revenir en arrière est de commencer par le plus récent, et ensuite revenir sur ses pas… Après tout, c'est le mouvement naturel du blog...

Sunday, April 15, 2012

Enfants de la promesse

«Il n’est pas ici» dit l’ange aux femmes venues au tombeau avant l’aube en ce premier dimanche de Pâques. Ces mots sont le cœur de notre foi. Un appel à l’aventure, dit Raphael Picon dans sa prédication de Pâques ; il conclut par ces paroles :


«Le christianisme est né le dimanche de Pâques. Nous sommes nés un dimanche de Pâques : nous sommes les enfants de la promesse. Nous sommes les enfants d’une folle promesse... Rien ne saurait désormais nous condamner à l’échec, au désespoir. Le Christ dit la valeur infinie de chacune et de chacun. C’est cette prédication qui fait toute la saveur du christianisme que nous aimons et auquel nous adhérons. Ce christianisme fait de nous des pèlerins aventureux, accrochés au cependant du poète pour faire rouler toutes les pierres des tombeaux, pour arracher à la fascination de la mort, et pour rendre, à nouveau possible, la vie.»


Nous sommes rendus à la vie, par delà la mort. «Il n’est pas ici», ces mots résonnent aussi dans mon esprit à l’évocation d’Hugues Madesclaire, qui nous a quittés voici deux ans cette semaine. Sa vie ne s’est pas close au seuil de l’énigme de sa mort prématurée.
Mystérieusement, le souvenir qu’il a laissé, l’influence qu’il a eue sur ceux qui l’ont connu continue d’irriguer le monde des vivants.
Pour lui aussi, le tombeau est vide. C’est dans la lumière du ressuscité que l’on trouvera sa présence.

Tuesday, April 10, 2012

La résurrection à l’œuvre

La résurrection sera toujours un mystère…. Mais quand elle se produit, on la reconnait. C’est ce qu’écrit le pasteur Bruce Epperly et s’il se réfère bien à Pâques, il réfléchit aussi à la résurrection dans nos vies.

La résurrection laisse ses premiers témoins, les femmes de l’évangile de Marc, muettes de stupeur. Pourtant le tombeau vide ouvre des perspectives qui ne se heurtent plus à la finalité de la mort ou au risque de la défaite. «J’ai vu la résurrection à l’œuvre dans le courage inattendu et l’amour imprévu… dans la résolution du sacrifice pour une cause qui vous dépasse, dans la quête assidue de la justice contre toute attente…» écrit-il.
La benediction de la communion jeudi soir

Où ai-je vu la résurrection à l’œuvre cette semaine de Pâques ?


Dans un service qui commémorait jeudi soir le dernier repas de Jésus, celui où il dit à ses disciples de se souvenir de lui – et promet sa présence.

Dans le partage du repas du Seder avec ma famille de Seattle, vendredi, le plaisir de retrouver des proches que j’aime beaucoup et l’inspiration venue du récit de l’Exode revisité avec profondeur et pertinence. L’histoire de l’Exode nous invite à méditer sur notre liberté et sur l’état du monde autour de nous. Une soirée qui m’a donnée de l’énergie et de la joie au milieu d’une semaine-marathon.


Dans une église bourrée à craquer dimanche matin – l’église est un vieux bâtiment construit en 1949 qui n’a pas très bien vieilli, entouré d’un cimetière Indien. Une église qui a failli fermer ses portes plusieurs fois. Mais ce matin de Pâques 2012, des familles s’y sont retrouvées en nombre pour se souvenir d’un ami qui venait de mourir, pour assister à deux baptêmes, pour regarder leurs enfants chercher des œufs de Pâques au milieu des fleurs, pour prier ensemble et célébrer une victoire sur la mort qui continue de donner sens à notre existence.
L'eglise le matin de Paques
La recherche des oeufs de Paques apres le service


Thursday, March 22, 2012

Un malaise imprécis


Un malaise imprécis me gagnait tandis que, confortablement installée au premier rang, j'attendais le début de la conférence donnée par Anne Lamott. J'étais sur le coté mais sur le premier siège près de l'allée et je me sentais très en vue.

D'habitude, c'est vrai, j'aime plutôt etre dans un coin discret mais j'espérais prendre une photo de l'auteur (espoir vain ; l'audience a été priée de ne pas prendre de photo, juste après que j'ai pris ce cliché).


Mais pourquoi être si mal à l'aise? Etait-ce la crainte latente de ne pas être à ma place? Les autres sièges du premier rang, en face, étaient réservés pour les amis et les organisateurs de la soirée. Depuis un traumatisme de jardin d'enfant où une institutrice m'a violemment prise à parti pour avoir eu l’audace de m’etre trompée de classe, j'ai gardé l'impression floue mais menaçante que je commets un crime susceptible de déclencher un tremblement de terre et des torrents d'imprécations si je transgresse même sans le vouloir les dispositions des lieux.

Mais non, ce n'était pas ca.

J'ai compris mon inconfort quand j'ai réalisé, au détour d'une phrase d'Anne, que je venais de m'assoupir et ce, sans doute bien trop visiblement.


Je m'endors si facilement pendant la journée. Cela ne m’arrive pas au volant ou lors d’une conversation en tête à tête. Mais dès lors que j'écoute un orateur, dans une classe, une église ou une salle de conférence, il m’arrive de glisser presque sans transition dans le sommeil. Dans les amphithéâtres de 1000 personnes de Paris-X Nanterre où j'étudiais le droit, ca n'était pas très gênant. A la faculté de théologie de Paris, cela faisait la joie de mes camarades. Nous étions assis derrière des tables disposées en U et leur expression malicieuse quand la torpeur commençait à me gagner était un tonique efficace.

Cela commençait aussi à devenir embarrassant et mystérieux. M’endormir pendant un cours de droit administratif, ça avait une certaine logique. Mais m’assoupir pendant un cours de théologie qui m’intéressait et que je ne voulais pas rater, un sermon prononcé par mon mari ou – ce soir là, une conférence donnée par un de mes auteurs préférés ? Et cela m’arrive même quand j’ai pu faire la grasse matinée pour compenser d’avoir veillé tard…

«Mon seul symptôme, quand je suis devenue diabétique, c’est une irrépressible envie de dormir en pleine journée » m’a dit une amie pasteur. J’ai vécu avec cette crainte jusqu'à ce que j’aie le courage d’aller chez le médecin, et une prise de sang plus tard, j’ai appris que mon courageux pancréas fonctionnait toujours et régulait mon taux de sucre avec soin.

Et pourtant je continue de m’endormir en sursaut – et de me réveiller face à cette énigme que je veux résoudre avant le début de ma residency. J’ai 5 mois pour percer le mystère et rester éveillée en plein jour…

Bart fait subtilement allusion au film "INCEPTION" avec Leonardo di Caprio


Monday, March 19, 2012

Des myrtilles roses


Le printemps commence officiellement demain 20 mars et si nous étions en France, nous ne serions pas surpris de recevoir des giboulées. Mais les giboulées de mars n’existent pas ici : le dictionnaire propose comme équivalent «April showers», ce qui dans notre région d’averses quotidiennes n’apporte pas d’informations d’une grande précision.

Aussi quand des averses de grêles brusquement surviennent dimanche après-midi après un grand moment ensoleillé, ca surprend et dans une artère proche de chez nous, une voiture est sortie de la route devant la mienne, glissant sur la surface de la chaussée devenue blanche et glacée en quelques minutes.


Le printemps arrive et j’en sens l’influence quand je me retrouve dans les rayons ‘jardinage’ des grands magasins alors que je suis venue acheter des yaourts, des bananes et quelques tranches de jambon. Mon petit buisson de myrtilles n’a pas survécu à l’hiver et la relève est prête à être plantée. J’ai choisi quelques pieds de framboisiers et un assortiment de myrtilles. Verrai-je une différence dans la production à venir ? Et les myrtilles appelées «pink lemonade » sont-elles vraiment roses ? Tant de mystères passionnants à percer avec la venue du printemps… 

Sunday, March 11, 2012

Changement d’heure à l’américaine


Ne pas être du matin signifie bien des arrachements douloureux au jour le jour. Il faut s’extraire de l’énergie du milieu de la nuit pour se contraindre à se coucher avant l’aube. Le réveil sonne toujours trop tôt, claironnant le moment où il faut se soustraire au moelleux du lit et à la tendresse d’un jeune chien exquisément abandonné dans l’espace entre vos pieds.

Ainsi commence une nouvelle journée marquée par la recherche d’énergie pour faire fonctionner le moteur qui vous propulse d’une activité a l’autre… jusqu’au soir où tout devient plus léger et où on peut rattraper un peu la lenteur d’exécution des heures précédentes.


Est-il besoin de préciser ce que je pense du passage à l’heure d’été, qui escamote une précieuse heure de nuit ? Ici, le rite cruel a lieu deux semaines plus tôt qu’en France, deux semaines pendant lesquelles dix heures séparent mes deux pays et non neuf.

Si vous vous trouvez sur le sol américain lors de ce changement, vous entendrez parler de «spring forward» or "ahead" (bondir en avant) ou de «fall back» (tomber en arrière) selon la période de l’année. C’est un peu déroutant pour l’étranger non averti mais bien typique de l’esprit pratique et ludique des américains. Au printemps (spring, donc) on avance ses pendules d’une heure, il s’agit donc d’un bond en avant. A l’automne (Fall en anglais) c’est le contraire donc les aiguilles reviennent sur leurs pas.


Bondir en avant… sans entrer dans les détails, je peux révéler que, ce matin, quand le réveil a sonné à 6h30 comme tous les dimanches, donc 5h30, je ne ressemblais en rien à une grenouille enjouée.
 En revanche, maintenant que nous approchons de minuit, le monde m’appartient et la nuit est douce.

Monday, March 5, 2012

Oiseaux et dette d'honneur

L’exposé (sujet : les oiseaux) était dû pour le lendemain. Le petit garçon avait eu 15 jours pour le préparer mais toujours repoussé le moment de s’y plonger. Le soir tombait et la panique le gagnait tandis qu’il essayait de rédiger quelque chose. Son père, un écrivain, lui dit calmement «ne t’affole pas… concentre-toi, oiseau par oiseau».

Je restitue cette anecdote de mémoire – elle est racontée par l’auteur (et aussi sœur du petit garçon) Anne Lamott, dans son livre sur l’art et les difficultés de l’écriture. Elle a appelé le livre «Bird by Bird, some instructions on writing and life» à partir de cette histoire. «Bird by Bird» est devenu rapidement un classique.


Ce livre est un des premiers que j’ai réussi à lire «couramment» en anglais quand j’ai commencé à vivre aux USA et ce sentiment d’un tout nouvel horizon qui s’ouvrait à moi s’est mêlé a la joie de lire un auteur dont je me sentais si proche. Quand j’ai su qu’Anne Lamott viendrait parler à Tacoma le 24 février, je me suis précipitée.


Anne (que tout le monde appelle Annie - le e finale se prononce i chez les américains) a grandi avec l’assurance perpétuellement répétée que tout allait bien dans une famille où chaque membre vivait isolé dans son propre problème composé d’indifférence et de drogue. Elle-même a dû lutter pour se sortir de ses propres addictions, drogue et aussi désir de faire plaisir, la détermination de guérir, sauver, réparer tous ceux qu’elle aimait.


«Pour ce qui est de vouloir sauver mes proches, je n’ai pas changé», sourit-elle. «J’ai toujours d’excellentes idées pour améliorer leur vie.»


Mère célibataire d’un fils qui a eu lui-même un enfant à 19 ans, elle a appris à ronger son frein pour ne pas intervenir perpétuellement dans la vie de la toute jeune famille. «Je voulais venir faire leur vaisselle, apporter des courses, faire leur ménage… une de mes amies m’a convaincue que non seulement ce n’était pas souhaitable mais que ce serait même une forme de maltraitance. Elle m’a dit : si ce n’est pas ton problème, tu n’as probablement pas la solution. Vrai… mais très agaçant.»


Anne a demandé à son fils ce qu’il avait préféré de son enfance – et aussi son pire souvenir. Il a répondu qu’il avait beaucoup aimé les grands moments de coloriages partagés, tous les crayola par terre, et la joie de dessiner sans limite. Et le pire, c’était d’avoir une mère si anxieuse. «Je ne serai pas comme ca avec mon bébé» a-t-il assuré. Anne raconte ensuite avec un sourire malicieux l’inquiétude de son fils un jour, se demandant si son enfant ne risquait pas de manquer d’air parce que, peut-être, son coupe-vent était trop serré ?


Anne est reconnaissante à son eglise presbytérienne, une petite communauté qui l’a accueillie alors qu’elle luttait encore pour se sortir de la drogue. Cette congrégation l’a entourée et aidée.


Elle écrit des livres où elle parle de sa vie, de ce que la foi représente pour elle, des moments de grâce qu’elle rencontre, de la tension et du bonheur qui viennent avec notre condition hybride : êtres humains pleinement enracinés dans la terre et aussi êtres de lumière à même de discerner la présence de Dieu.


Lors de la conférence, je connaissais beaucoup de présents : des pasteurs ou des elders presbytériens. Et aussi des membres de mon club Toastmaster, désireux d’entendre les conseils d’Anne sur le processus d’écriture.


«La volonté d’écrire vient de la douleur, du désir d’exister et de ne pas s’éparpiller, a dit Anne. Pas du narcissisme. Ecrire chaque jour : si vous ne ressentez pas cette exigence intérieure, ne le faites pas. Ecrire chaque jour : comme si c’était une dette d’honneur.»

[la photo d'Anne Lamott ci-dessus vient de sa page facebook]

Saturday, March 3, 2012

Le verdict de la grenouille

Les américains n’utilisent pas le mot bissextile – nous sommes ici dans une «leap year» autrement dit une année bondissante, (to leap = bondir) souvent symbolisée par une grenouille en mouvement, en particulier en ce jour supplémentaire de février.

Mais je n’étais pas dans une humeur particulièrement bondissante moi-même mercredi dernier. Je guettais les emails, espérant une réponse de Garrett, le supervisor de St Joseph, à propos de la residency. Plus le temps passait, plus le pessimisme me gagnait.

Et puis l’email est arrivé à 17h34 et son titre était en soi une réponse «Acceptance to our Residency position…».

Avant même que je ne réalise vraiment, je me suis sentie balayée par une vague apaisée de soulagement. En septembre prochain, je commencerai donc cette année de residency, un stage rémunéré d’un an, qui me permettra de boucler ma formation de chaplain. Je serai affectée à la Hospice house, comme je le souhaitais. Et mon amie Coréenne elle aussi a été choisie !

Il neigeait ce soir là et pendant que je marchais dans le jardin avec les chiennes, j’avais envie de crier dans la nuit les exacts mots de Jean Dujardin recevant son Oscar dimanche dernier «Putain c’est génial, thank you, merci !»

Il faut bien en convenir, le 29 février est un jour qui a du ressort!

Monday, February 27, 2012

Hospice House Interview


Aujourd’hui, j’ai rencontré Susan, le chapelain qui organise l’aumônerie des services de soins palliatifs (hospice house en anglais) dont le centre est une grande maison dans un quartier de Tacoma. Deux des aumôniers en résidence (sur les trois positions disponibles) y travailleront.

Susan est une femme de petite taille aux cheveux blancs coupés court, aux yeux blues brillants et au sourire chaleureux. Je me suis sentie très vite à l’aise avec elle.


Nous avons parlé près de deux heures. Elle avait des questions bien précises sur mon intérêt pour ce type de service, les deuils que j’ai pu traverser, la façon dont j’agis en présence de personnes aux idées et croyances différentes des miennes, mais elle m’a surtout écoutée. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, une interview avec un aumônier est un peu une rencontre du troisième type : une conversation avec une personne qui vous écoute avec une immense attention et une grande bienveillance. J’ai passe un très bon moment avec Susan qui m’a aussi fait visiter les lieux. Elle ne prendra pas la décision finale mais son avis sera certainement significatif.


Sur le chemin du retour, sous le soleil, j’essayais de deviner quelle décision serait prise. Ce matin, Susan rencontrait une autre candidate, une merveilleuse jeune femme Coréenne que je connais bien. Sa connaissance de la langue et de la culture Coréenne seraient des atouts précieux pour ce service, dans une région où la communauté asiatique et en particulier Coréenne est si nombreuse.


Dans le lointain, j’ai aperçu une douzaine de minuscules parachutes – un exercice militaire au-dessus de la base Air Force de McChord. C’est un peu comme ça que je me vois, depuis que je suis «prête à l’ordination», suspendue dans le ciel et me demandant où je vais atterrir… A suivre…

Monday, February 20, 2012

Le jour du Président

C’est un jour férié aujourd’hui – ce qui signifie que les postes et les banques sont fermées, les enfants n’ont pas école, mais la plupart des magasins sont ouverts et profitent de l’occasion pour offrir des soldes. President’s Day : Le jour du Président – ou des Présidents ?

Ce jour est réputé honorer George Washington et Abraham Lincoln, le président fondateur des Etats Unis d’une part et le président émancipateur qui restaura l’unité du pays d’autre part. Tous deux sont nés en février et différentes commémorations avaient lieu au cours des années le jour de leur anniversaire.

Une loi votée en 1968 fixa au troisième lundi de février la commémoration. Mais cette décision n’a pas fait l’unanimité. Certains regrettent que désormais, George Washington ne soit plus jamais honoré le jour exact de son anniversaire, le 22, car le troisième lundi ne peut tomber plus tard que le 21 février.

«Ce jour férié est une fraude» s’insurgent même les gardiens de la mémoire d’Abraham Lincoln, remarquant que le nom officiel de la loi instituant ce jour férié mentionne «George Washington Birthday».

«L’état d’Illinois [dont Lincoln est originaire] souhaite que Lincoln soit placé sur un pied d’égalité avec Washington» explique Dave Blanchette, porte-parole du musée et librairie présidentielle d’Abraham Lincoln, à Springfield, Illinois. Washington et Lincoln sont tous deux en tête des sondages d’opinion pour leur contribution à l’histoire américaine. «Ils méritent un jour férié l’un et l’autre» dit Blanchette.

Richard Nixon est identifié comme le président à l’origine de ce jour férié, qu’il aurait institué avec le commentaire suivant «c’est un jour destiné à honorer tous les présidents, y compris moi-même» - des mots qu’il n’a en fait jamais prononcé. Il s’est contenté de promulguer en 1971 la loi votée en 1968.

Alors President’s Day ou Presidents Day ? Honore-t-on un president, deux ou tous ? L’ambigüité grammaticale permet à chacun de suivre son inclination patriotique – ou simplement d’aller faire les soldes.

Sunday, February 19, 2012

La complexe tapisserie de la vie

Voila, le 27 février prochain, je rencontrerai Susan, responsable de l’aumônerie de l’Hospice House, ce service pour patients en fin de vie situé dans une maison de Tacoma. La décision finale sera prise dans les jours qui suivent.

Si ma candidature est retenue, je serai «chaplain resident» pendant un an, à partir de septembre prochain. Je reste zen mais je pense beaucoup à cette éventualité…


Quelle présence peut-on apporter à un patient dont la vie se termine et le sait ? La réflexion de Judith Leipzig [1] chapelain qui termine sa formation dans le Bronx est édifiante et ouvre des horizons pour chacun. Apres tout, la fin de vie, nous y serons tous confrontés.


Qu’est-ce que l’espoir représente pour un mourant ? C’est la question qui s’est présentée à Judith. Dans les autres services ou elle avait travaillé auparavant, l’espoir, l’avenir et ses possibilités, étaient toujours implicitement palpables. Que faire quand le patient arrive à la fin du chemin et le sait ?


Au cours des semaines passées auprès de patients, des réponses apparurent. « …l’espoir, c’est l’expérience de continuer à appartenir à quelque chose qui nous dépasse – Dieu, la famille de la création, ou la complexe tapisserie de l’existence. Et cette appartenance nous donne sens. Nous avons conscience de faire partie de ce qui forme l’étoffe de l’existence. Chacun de nous contribue à tisser cette étoffe. Le contraire de l’espoir, dès lors, n’est pas le désespoir en tant que tel mais l’absence de sens, la déconnection, le fait d’etre privé de cette appartenance profonde avec le monde »


En contact avec des enfants, Judith avait pu observer le stade dit ‘du miroir’, ce stade vital où le bébé se découvre à travers le regard de sa mère, un regard qui l’accueille et affirme sa valeur. Sans cette étape fondatrice, l’enfant devenu adulte devient souvent dépressif.


«Nous retrouvons cette étape tout au long de notre vie, analyse Judith, quand nous avons besoin de trouver de nouvelles façon de satisfaire ce besoin d’être reçus et affirmés. A la fin de notre vie, beaucoup de ces moyens nous sont ôtés. Nous ne pouvons plus manifester qui nous sommes par notre carrière, notre façon de prendre soin des autres, par nos œuvres artistiques ou intellectuelles.


J’ai appris que pour établir un lieu où l’espoir puisse exister, je devais abandonner toute idée d’apporter un service, et offrir à la place mon intention d’etre profondément, authentiquement présente, comme une mère le fait avec son nouveau-né. J’ai appris que quand nous accompagnons une personne mourante, par notre présence, nous devenons leur miroir – nous reflétons leurs mots et aussi leur être profond. Ils peuvent ressentir ce qui fait leur essence de façon plus intense. Nous sommes à leur coté dans leur obscurité, parce que c’est aussi notre obscurité, l’obscurité que tous les humains traversent, et de ce fait, ils saisissent qu’ils ne sont pas seuls et démunis.


Par notre écoute, nous les encourageons à donner voix a leur pensées, leur expérience, leurs sentiments. Cela leur permet de prendre conscience de l’importance de leur vie et du fait que l’expression de leur vérité est essentielle pour nous tous. Notre présence est la preuve qu’ils ne sont pas abandonnés, même si leur situation est des plus précaires. Ils continuent de faire partie du fleuve de la vie et de faire partie de l’histoire humaine. La tapisserie de l’humanité a besoin d’eux pour etre complète. Et c’est dans cette nécessité que l’espoir est enraciné.»


[1] http://blog.onbeing.org/post/11176428414/hope-at-the-end-of-life

Tuesday, February 14, 2012

Etre chapelain ou pas – la suite du feuilleton

Après les interviews en janvier à l’hôpital St Joseph de Tacoma, j’attends la réponse et je garde espoir d’etre acceptée comme «resident» pour un stage d’un an à partir de septembre prochain. La réponse doit venir dans le courant du mois de février, m’a-t-on promis. Bien sur, je reste totalement zen et sereine mais je ne peux nier que je suis consciente des jours qui passent...


Et ce matin, il y a eu du nouveau. J’ai reçu un email de la part du directeur de l’aumônerie. «Nous sommes en train de prendre les décisions finales et réfléchissons aux choix à faire pour la residency de l’an prochain. J’ai une question pour vous. Je sais que votre premier choix se porte sur l’aumônerie à l’hôpital. Je me demande si vous seriez intéressée par un poste de chaplain resident dans un service pour les patients en hospice [terme utilisé pour les patients ayant moins de 6 mois à vivre]. C’est un environnement intense, avec beaucoup de décès mais aussi des opportunités d’apaisement et de grace. Vous feriez aussi des gardes à l’hôpital toutes les semaines. Je peux vous faire rencontrer le chapelain coordinateur du service si vous le souhaitez.»


J’ai longuement réfléchi (au moins trente secondes). J’ai senti mon rythme cardiaque s’accélérer. Oui, ca m’intéresse beaucoup. Les deux moments essentiels de notre vie, c’est «maintenant et à l’heure de notre mort» comme le dit la prière à Marie que l’enfant catholique que j’étais a appris par cœur. J’espère rencontrer l’aumônier de ce service dans les prochains jours. A suivre…

Wednesday, February 8, 2012

Pourquoi vivre ici


Nous vivons au bord du Canada, dans la région la plus nuageuse qui soit, connue pour ses pluies interminables. Contrée inhospitalière ? Non. Les raisons d’y vivre sont nombreuses. Mais plutôt que de décrire, je préfère montrer. (Cliquez sur les photos pour les voir en plus grand format)


1) L’océan Pacifique coexiste avec les montagnes et la nature – et la ville.

Cette photo a été prise mardi par notre amie Jett Brooks qui a l’œil et le talent – ses clichés sont toujours exceptionnels.




2) Certes les nuages sont nombreux, mais ils y mettent du leur pour être intéressants.

Un nouvel exemple de nuages lenticulaires au-dessus du Mont Rainier. Pure beauté avec un zeste de science-fiction. Photo parue sur le site de la chaine TV locale King5.

Tuesday, February 7, 2012

Les parents français sont les meilleurs !


French parents are superior : une mère de famille américaine qui vit en France l’affirme. Elle a même écrit un livre sur le sujet qui sort cette semaine, «Bringing up Bébé». Elle en explique l’origine dans un long article paru dans le Wall Street Journal [1].


Comment se fait-il que ma fille de 18 mois transforme une table de restaurant en champs de bataille, tandis que les enfants français du même âge, sagement assis dans leur chaise haute, mangent leurs légumes sans faire de drame ? s’est demandé Pamela Druckerman lors de vacances houleuses. Elle a donc entrepris une enquête et pour un lecteur français, c’est son étonnement qui surprend.


Les parents français, constate-t-elle, ne transforment pas leurs enfants en centre d’attention constant. Ils ne se laissent pas interrompre – au téléphone ou pendant une visite. «Attends une minute ma chérie, dit Delphine, une amie, à sa fille de trois ans, je suis en train de parler» C’était tout à la fois très poli et très ferme, constate Pamela, émerveillée. «J’étais frappée par la gentillesse avec laquelle Delphine avait parlé, et par le fait qu’elle semblait certaine que sa fille allait lui obéir.»


Les français apprennent aussi aux enfants à attendre, note Pamela : pas de grignotage toute la journée, juste le goûter. Apprendre à attendre, serait-ce la clef de la résilience dont manquent tant les enfants américains, toujours prêts a faire une scène (le fameux “ temper tantrum”) s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils reclament ? s’interroge-t-elle.


«Les parents américains veulent que leurs enfants soient patients bien sûr, écrit-elle. Nous encourageons nos enfants à partager, à attendre leur tour, à mettre la table et à pratiquer leur piano. Mais la patience n’est pas une vertu sur laquelle nous insistons autant que les français. Nous avons tendance à considérer que ça fait partie de leur tempérament. Selon nous, les parents ont de la chance et héritent d’un enfant patient - ou pas.»


Les enfants français ont une vision claire de ce qu’ils ont le droit de faire, et de ce qui est interdit, analyse Pamela. «Beaucoup de parents français que j’ai rencontrés ont une autorité calme qui leur vient facilement. Leurs enfants les écoutent vraiment. Les enfants français ne sont pas constamment en train de courir en tout sens. Ils ne répondent pas à leurs parents, ou ne les entrainent pas dans des négociations prolongées.»


Pamela raconte : «Un dimanche matin au parc, ma voisine Frédérique m’observa tandis que je faisais de mon mieux pour maitriser mon fils, alors âgé de deux ans. Leo était un enfant très rapide et j’étais constamment en mouvement. Il semblait considérer les grilles autour de l’aire de jeux comme une simple invitation a l’escapade.


Frédérique avait récemment adopté une jolie petite fille rousse de trois ans, originaire de Russie. Lors de notre sortie, elle était mère depuis trois mois seulement. Cependant, du simple fait d’etre une mère française, elle avait déjà une toute autre vision de l’autorité que moi – une vision de ce qui était «possible» et ce qui n’était «pas possible» (en français dans le texte).


Frédérique et moi étions assises dans le périmètre du bac à sable, essayant de parler. Mais Leo ne cessait de courir par delà la barrière. A chaque fois, je me levais pour courir après lui et je le ramenais en lui faisant des reproches. Il hurlait. Au début, Frédérique observa ce petit rituel sans rien dire. Puis, sans aucune condescendance, elle me fit remarquer que nous ne pourrions pas bavarder si je ne cessais de courir après mon fils.


«C’est vrai, dis-je, mais que puis-je faire ?» Frédérique me dit que je devrais être plus ferme avec lui. Dans mon esprit, passer l’après-midi à la poursuite de Leo était inévitable. Pour elle, c’était «pas possible».


Je lui fis remarquer que j’avais réprimandé Leo pendant 20 bonnes minutes. Frédérique sourit. Elle me dit que je devais dire «non» avec plus de d’assurance, et vraiment y croire. Lorsque Leo essaya à nouveau de courir au-delà de la barrière, je dis non d’un ton plus coupant. Il ne m’écouta pas et je dus lui courir après.


Frédérique sourit à nouveau et me suggéra de parler au lieu de crier et d’avoir plus de conviction. Je craignais de le terrifier. «Ne t’inquiète pas» m’encouragea Frédérique.


Leo ne m’écouta pas non plus la fois suivante. Mais je sentis progressivement mes «non» devenir plus convaincus… Finalement, Leo s’approcha de la barrière mais – miracle !- ne l’ouvrit pas. Il se retourna et m’observa avec incertitude. Je le regardai fixement en essayant de prendre un air réprobateur.


Au bout de 10 minutes, Leo ne chercha plus à fuir. Il semblait avoir oublié la barrière et il jouait dans le sable avec les autres enfants. Bientôt, Frédérique et moi bavardions. J’étais stupéfaite que Leo me voit soudain comme une figure d’autorité.


“Tu vois, me dit Frédérique sans triomphalisme, c’était le ton de ta voix». Elle me fit remarquer que Leo n’avait pas l’air traumatisé. De fait, et peut-être pour la première fois, conclut Pamela, il ressemblait à un enfant français.»


Quelle mère serais-je devenue si j’avais eu des enfants, moi qui ai grandit en France et me suis si bien adaptée a la vie américaine ? Une chose est sûre : j’admire les parents que je vois autour de moi, que ce soit en France ou aux Etats Unis. Elever des enfants est un tel dévouement, une joie mais aussi un vrai sacrifice - la grande aventure des temps modernes comme le disait Charles Péguy.


[1] "Why French Parents Are Superior" by Pamela Druckerman, Wall Street Journal February4th, 2012
http://online.wsj.com/article_email/SB10001424052970204740904577196931457473816-lMyQjAxMTAyMDAwNzEwNDcyWj.html?mod=wsj_share_email_bo