Thursday, January 29, 2009

Le « touch down » décisif est en vue.

Ces jours ci, quiconque s’engouffre dans un supermarché se retrouve nez à nez avec une sorte de construction en légo grandeur nature sise dans l’allée centrale, avec en guise de légos, des cartons contenant des canettes de bières et de soda, formant une sorte de fort du moyen-âge. D’énormes paquets de chips tiennent lieu de rondins.

Un étalage étonnant quand d’habitude ce sont des cœurs et des ballons roses qui attirent l’attention en cette période de l’année : dès le 26 décembre, les grands magasins sont fin prêts pour la Saint Valentin. La bière et les chips ne sont pas tout à fait au diapason du romantisme du 14 février… de fait, ils sont destinés au grand événement sportif de l’année : le Superbowl, qui aura lieu dimanche prochain, le 1er février.

Le Superbowl est la finale du championnat de football – non pas le football tel que nous l’entendons en Europe, et qui ici s’appelle «soccer » - il s’agit de football américain, autrement dit l’affrontement de deux équipes de colosses en collants moulants et épaules gigantesques, coiffés de casques qui les font vaguement ressembler à des hannetons.

Chaque équipe doit faire parvenir le ballon ovale le plus loin possible dans le camp adverse, et s’ils réussissent à atteindre son extrémité, c’est un « touch down » qui vaut 7 points. Le jeu est à la fois brutal – presque tous les coups sont permis pour plaquer le joueur porteur du ballon – et subtil : après des années d’observation perplexe, on peut toujours avoir l’impression que les commentateurs s’expriment en Neptunien quand ils détaillent l’action qui vient de se dérouler.

Des millions d’américains se réunissent pour regarder le Superbowl. Les interruptions publicitaires se vendent pour des prix astronomiques et c’est le moment où les annonceurs lancent leurs nouveaux spots.

Un concert a lieu à la mi-temps, et les artistes les plus en vue se bousculent pour s’y produire. En 2004, Janet Jackson y fit scandale quand un accident vestimentaire soigneusement préparé dévoila partiellement son sein gauche. Devant le tollé (les américains ne plaisantent pas avec les atteintes à leur pudeur) elle dut présenter des excuses publiques. Cette année, Bruce Springsteen est au programme. On peut augurer que sa garde-robe n'occasionnera pas de situation embarrassante.

Saturday, January 24, 2009

Paroles Natives

De jeudi à dimanche dernier, Irvin a donc animé une classe intensive à Phoenix dont le sujet était «Christianisme et culture Native Américaine», au cours duquel le documentaire «Our Spirits don’t Speak English» a été montré. (voir message du 19 janvier)

Une trentaine d’étudiants, pour la plupart Natifs, ont assisté à ce cours et ont pris la parole pour parler de leur histoire et la façon dont ils vivent leur foi. Voici une sélection de leurs paroles, saisies au vol.

Patricia White Horse (Lakota-Sioux) : Mes parents ont été envoyés en «boarding schools». Ils ne s’en sont pas plaints, mais ils nous ont envoyés dans les écoles publiques – jamais des pensionnats. Mes frères et sœurs et moi-même avons tous des diplômes et de bons postes. Mais mes parents, qui parlent tous deux Lakota, ne nous ont jamais appris la langue. Ils pensent que ca n’a pas d’intérêt.

Dawn Helton (de la tribu Ojibwa, du Minnesota) : mon père est allé en «boarding school». Nous savons qu’il a été traumatisé là bas, mais il n’a jamais raconté ce qu’il a vécu. Il a toujours insisté pour que nous restions tous ensemble, autour de lui.

J’ai épousé un militaire et j’ai beaucoup voyagé, mais je faisais en sorte de retourner voir mon père regulierement. Mon mari disait que je passais plus de temps avec ma famille qu’avec lui ! Mon père est mort d’un cancer. Quand le diagnostic est tombé, mes trois sœurs et moi avons pris nos enfants et nous avons vécu avec lui les deux dernières années de sa vie. Avant de mourir, il a organisé l’emplacement de nos tombes : autour de la sienne.

J’étais déjà adulte quand je suis devenue chrétienne – notre église avait peu de paroissiens, mais quand nous avons commencé à faire une large place à la culture Native, notre église s’est beaucoup développée. J’étais le pasteur à l’époque – mais quand je suis partie pour le séminaire de Dubuque, tout est redevenu comme avant.

Il faut connaitre et comprendre les traditions. Il y a des choses qu’il ne faut pas mélanger. Par exemple, introduire un tambour (large tambour de pow-wow, qui est battu par les chanteurs installés à sa circonférence) dans l’eglise, même pour une bénédiction, est impensable. Ce tambour est traditionnellement considéré comme le cœur battant de la communauté. Le tambour dans l’église, ce serait une insulte tant pour les chrétiens que pour les «traditionalistes» (ceux qui suivent la religion Native traditionnelle).

Rev. Mary Jane Mills (Nez Perce): Ma grand mère est allée à Carlisle, et elle m’a raconté des histoires affreuses de ce qui s’y passait. Mais elle était fière d’y être allée et d’avoir surmonté cette épreuve. Elle a envoyé ma mère en pension en Californie – ça lui a plu. Elle dit y avoir beaucoup appris.

J’ai passé 40 ans de ma vie à lutter contre l’alcoolisme – 40 ans, comme les Hébreux dans le désert. Un soir, c’est comme si le rideau du temple s’était fendu en deux. Je suis devenue une nouvelle personne. Je ne regrette pas de m’etre infligée ces années de tourment, car ça me permet de mieux comprendre ceux qui traversent cette souffrance.
Mon fils est mort d’un cancer en novembre dernier. Il a été élevé par son père dans la religion traditionnelle des «seven drums». Ses amis venaient le voir les derniers temps, ils lui parlaient du parcours de la vie. Je les laissais faire, mais après leur départ, je bénissais les pièces ou ils etaient allés, et je priais, je priais beaucoup pour que mon fils accepte le fils de Dieu, pour qu’il soit sauvé.

J’ai beaucoup de reconnaissance pour les missionnaires qui nous ont apporté la bonne nouvelle. Spalding (un des premiers missionnaires venu en terre Nez Perce) était connu pour fouetter ses élèves. Ca se faisait à l’époque. Les missionnaires étaient durs, mais ils étaient humains et sincères. Ils faisaient de leur mieux.

Nous souvenir du passé est important, mais nous devons cesser de nous considérer perpétuellement comme des victimes. Nous devons etre honnêtes avec nous-mêmes et les uns avec les autres.
(Mary Jane est la première femme Nez Perce à devenir pasteur de l’eglise Presbytérienne. Elle a été ordonnée en 2003)

Rev. Judith Wellington (Pima/Sioux): certains Natifs m’ont dit qu’ils me haïssaient parce que je suis chrétienne. Connaitre le passé est important pour comprendre ces réactions. Je me concentre sur la guérison de ces blessures. J’ai rencontré des guérisseurs traditionnels, et eux ne m’ont jamais reproché d’etre chrétienne. Ils m’ont encouragée à être fidèle à ma foi pour le bien de la communauté.
Parler du passé est important pour cette guérison. Il ne s’agit pas de blâmer, mais de dialoguer. Pour cicatriser, il est indispensable de partager, d’exposer les blessures. Nous devons permettre à chacun de s’exprimer.
Mon père n’a pas voulu m’apprendre sa langue. Mais depuis peu, j’ai remarqué que si je la parle devant lui, il me corrige.
Ralph Scisson, (Dakota) : Je n’ai pas gardé de trop mauvais souvenirs de boarding schools. Mes parents voulaient que j’aie une éducation. J’ai beaucoup appris, mais j’ai regretté que ma culture ne soit jamais mentionnée. Un prêtre épiscopalien m’a dit un jour «La bible n’appartient à personne. Jésus nous dit de le suivre. C’est une invitation pour toutes les races de la terre.»
Heureusement qu’il m’a dit ça, parce que j’avais entendu avant que la Bible n’était pas pour les Indiens.

J’ai travaillé au quartier général de l’église presbytérienne qui se trouvait alors à New York[1]. Quand les deux églises presbytériennes, du Nord et du Sud, se sont réunies et que nous avons quitté New York pour Louisville, j’ai été chargée du sermon du dernier culte qui s’est tenu dans nos locaux. Le titre de mon sermon était « approcher la table de communion». Pour certains, c’est facile d’approcher la table de communion, pour d’autres, c’est un long voyage…

Laura (Apache) : je suis allée en « boarding school » dans les années 70. Tout ce que j’ai appris sur ma culture, c’est la bas que je l’ai appris.

Evangeline Garcia (Navajo/Laguna) : j’ai passé plusieurs années dans un pensionnat au Nouveau Mexique, tenu par des Pentecôtistes, ils etaient très stricts. Nous ne devions pas porter de bijoux, ni parler autre chose que l’anglais. Les garçons et les filles etaient séparés, même s’ils etaient frères et sœurs. Quand nous retournions chez nous le week end, nous étions souvent punis à notre retour. Ils nous disaient « vous avez péché la bas, vous n’irez pas au Ciel.» Quand j’ai changé d’école, j’avais l’impression d’etre au paradis ! J’avais le droit de parler Navajo, d’écouter de la musique, j’étais libre…

Avant aujourd’hui, je n’avais rencontré personne de ma génération qui avait connu ce genre de chose, tout le monde me regardait comme si j’inventais. [Irvin a connu une expérience très similaire pendant 3 ans en Arizona].

J’ai mis des années à aller à l’eglise. Je ne supportais pas, ca me rappelait trop ce que j’avais vécu au Nouveau Mexique. Et puis un jour ma fille voulait voir comment c’était, je l’ai emmenée à l’eglise presbytérienne de mon quartier. J’y suis retournée. C’est la que j’ai été baptisée. Maintenant je suis une Elder.

Rev. Cecil Corbett (Nez Perce, Choctaw) : quand j’étudiais pour devenir pasteur à Dubuque, dans les années 60, j’étais découragé par tous ces théologiens européens. Je me demandais ou était la contribution des Natifs Américains ?
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Les participants ont apprécié de pouvoir s’exprimer et partager leurs témoignages. Ils ont décidé de créer un blog pour poursuivre ce dialogue.

J'ai inséré un album de photos de cette classe, qui s'est deroulée au Franciscan Renewal Center de Scottsdale sur ma page Facebook. Avec un peu de chance, vous devriez pouvoir le voir en cliquant sur ce lien :http://www.facebook.com/p.php?i=1501033201&k=Z3DZXVR2P3ZGUCFGXCXXU3S

[1] Voir “Louisville et les Presbytériens” en novembre 2008

Wednesday, January 21, 2009

De « president-elect » à président tout court.

Entre son élection en Novembre et l’inauguration en janvier, le président vainqueur est dans une transition inconfortable : déjà élu, pas encore au pouvoir. Pendant ces deux mois et demi, on l’appelle « the President-elect ».

Même inconfort du coté du président sortant, qui est encore aux commandes mais appartient déjà au passé. Traditionnellement, on surnomme quelqu’un dans sa situation un « lame duck» (canard boiteux).
En prenant l’avion en fin de matinée pour rentrer dans notre Puyallup noyé dans le brouillard, j’ai pu saisir quelques minutes en direct du discours d’Obama sur les écrans de TV de l’aéroport.

Ces dernières semaines, les chaines History et Discovery ont programmé des rétrospectives sur les mouvements civiques des années 60 – d’autant plus qu’hier 19 janvier était le jour férié «Martin Luther King Day » (et incidemment l’anniversaire d’Irvin).

A l’antenne également : des documentaires sur la création de Washington D.C, soulignant l’ironie de cette situation historique : la ville d’où va gouverner le premier président Noir des USA a été édifiée au 18eme siècle par les esclaves d’alors, suivant les plans de l’architecte français Pierre l’Enfant.

C’est le début d’une nouvelle ère, et tout le monde est conscient de la conjoncture difficile dans lequel se trouve le pays. La popularité du nouveau président pourrait en souffrir rapidement. Ce soir, Stephen Colbert, un des «comedians» (humoriste) les plus populaires du pays proposait de résumer ainsi la situation : «Maintenant qu’Obama a prêté serment, nous pouvons cesser de l’appeler «president-elect» et nous pouvons commencer à l’appeler «la cause de tous nos problèmes.»

Monday, January 19, 2009

"Our Spirits Don’t Speak English"

Impossible de parler de la relation entre Christianisme et culture Native Américaine sans mentionner les « boarding schools» (pensionnats), écoles ouvertes à partir de 1875 et où le gouvernement espérait transformer les enfants Indiens en petits Américains chrétiens.

Repousser les Natifs plus loin, au-delà du Mississippi, avait déjà été fait et ça n’avait pas résolu le problème. Les massacrer systématiquement était une option… mais la bataille de Little Big Horn montrait que la cavalerie pouvait essuyer des défaites cuisantes. Restait l’assimilation forcée.

L’idée était de prendre les enfants le plus jeunes possibles, et les transformer en une terre vierge pour modeler de futurs citoyens « civilisés ». Pour ce faire, le programme était de couper les cheveux des enfants, leur interdire de parler leur langue Native au profit de l’anglais, leur fournir des uniformes, changer leurs noms, leur imposer la Bible, espacer autant que possible leurs visites à leur famille.

"Kill the Indian, save the man"
Les élèves ressembleraient à des Blancs, et deviendraient d’utiles membres de la société moderne. Le programme incluait aussi l’apprentissage d’un métier : il ne s’agissait pas de créer de futurs ingénieurs ou médecins, mais plutôt des maçons, menuisiers, mécaniciens, domestiques ou cuisiniers.

Le General Pratt, directeur de l’école de Carlisle en Pennsylvanie, une des premiers boarding schools, affirmait « il s’agit de tuer l’Indien pour sauver l’individu » (‘Kill the Indian, save the man’).

Les punitions corporelles étaient le moyen d’assurer ce programme. Beaucoup de témoignages émouvants et effrayants résultent de cette page d’histoire, et le documentaire, « Our Spirits don’t Speak English », que nous avons vu vendredi, réunissait les souvenirs d’anciens élèves.

L'émergence d'une conscience Native
Ce qui en résulta : un surprenant bilan. « La conclusion la plus fondamentale qui émerge de l’histoire des « boarding schools » est la profonde complexité de leur héritage historique pour la vie du peuple Indien » constate l’historienne Julie Davis.

D’abord, le projet d’effacer la culture Native se révéla un échec et montre surtout l’absence de connaissance qu’avait le gouvernement de l’époque de ce qui compose la culture et la personnalité des individus, quelque soit leur âge. Nombreux furent les étudiants qui furent traumatisés à vie par ces années passées dans les boarding schools. Le métier qu’on leur avait appris ne pouvait leur être utile que dans les grandes villes. Mais la plupart des étudiants retournèrent dans leur famille sur les réserves, où ils eurent souvent le plus grand mal à se sentir chez eux. De nombreux suicides eurent lieu.

Mais le paradoxe, c’est l’effet inattendu de cette éducation dont le but était d’éradiquer la culture Native. Les élèves traversant cette épreuve ensemble établirent des liens et se soutinrent mutuellement, avec l’intention délibérée de ne pas perdre leur culture.

Il en résulta l’émergence d’une conscience Native au-delà de l’appartenance tribale. Une nouvelle connaissance non seulement de la langue anglaise mais aussi du fonctionnement des institutions et des mentalités au pouvoir, permit aux anciens élèves de se pencher sur les traités conclus avec le gouvernement, d’exiger leur application et plus généralement de défendre les droits des Natifs.

« A Successfull failure »
A succesfull failure : c’est le bilan insolite de ces écoles qui ont causé tant de souffrances et ont créé la situation exactement inverse de ce qu’elles espéraient accomplir.

Au cours des années, la direction de ces écoles s’est infléchie. La participation des Natifs aux guerres mondiales et à la guerre de Corée leur donna l’autorité et la légitimité suffisantes de prendre en main la direction de ces pensionnats dont certains existent toujours. La culture Native y est désormais au programme.

Sur la photo ci-dessous, le jeune homme à droite, en vetements traditionnels et cheveux longs, est aussi celui qui se trouve la plus à gauche, sur l'autre photo.


Thursday, January 15, 2009

Phoenix, Arizona

Nous voici en Arizona – un des lieux où un Européen se sent le plus dépaysé quand il voyage aux USA. Son désert, ses énormes cactus, ses rochers rouges… rien de tel pour se sentir définitivement « ailleurs ».

L’Arizona n’est devenu un état qu’en 1912, et l’architecture de sa capitale, Phoenix, montre amplement que la ville a été érigée récemment : hérissée d’immeubles audacieux et de buildings en verre, elle est composée de larges artères qui se coupent à angles droits.



De fait, Phoenix a été fondée en 1868. Son nom se fait pourtant l’écho d’un passé lointain et mystérieux. De nombreux vestiges montrent qu’un peuple aujourd’hui disparu, les Hohokams, avait créé une cité à cet endroit et y ont vécu pendant de nombreux siècles, y établissant, en particulier, un réseau de canaux d’irrigation qui a servi de modèle aux ingénieurs du 19eme siècle. Ils ont sans doute disparu de la région au 13eme au 14eme siècle. Les Pimas (Akimel O’odham) sont très probablement leurs descendants.

Les fondateurs de la métropole, conscient qu’ils faisaient renaitre une cité qui avait déjà existé, décidèrent de l’appeler Phoenix.

Trois petites heures de vol séparent Seattle de Phoenix et en faisant ce trajet mardi dernier, Irvin et moi avons aussi changé de saison. Notre avion a survolé notre voisin, le Mont Rainer, plus blanc que jamais. Les paysages enneigés se sont espacés, et nous avons atterri au début de l’été.

Phoenix, ville à la chaleur étouffante dès le mois d’avril, intolérable en juillet et aout, a un climat délicieux en janvier. Nous nous sommes vite adaptés à vivre en T-shirts sous un soleil éclatant. Il doit faire entre 18 et 20.

Mais nous ne sommes pas (seulement) en vacances. Irvin commence demain matin son cours sur le thème « Christianity and Native American Culture ». Une trentaine d’étudiants venus de tout le pays, pour la plupart Natifs, vont l’écouter et apporter leur participation pendant 15 heures de classes sur trois jours.

Tuesday, January 13, 2009

Noel en janvier, Pasteur contrarié

Quand, samedi dernier, le Père Noel a expliqué aux enfants réunis dans notre Fellowship Hall que son traineau avait été ralenti par la neige et les inondations, ceux-ci se sont montré compréhensifs et ont accepté gracieusement de recevoir leur cadeau avec retard.

Notre Christmas Party a réuni une soixantaine de personnes, dont plusieurs familles qui venaient pour la première fois. Grace aux donations recueillies dans ce but, nous avions des cadeaux pour chacun, soigneusement empaquetés dans notre living room le mois dernier (voir «les caddies n’aiment pas la neige» en décembre.)

L’après-midi a été chaleureuse. Après les infortunes du mois de décembre, nous étions presque étonnés que tout se passe bien.

Un événement contrariant a pourtant eu lieu : en arrivant à l’eglise, Irvin a trouvé une lettre envoyée par un de nos amis, membre de notre paroisse depuis 5 ans, annonçant sa décision de partir. «Cette église est trop Blanche» écrit-il. Selon lui, la culture Native n’est pas assez présente dans nos services. J’ai eu l'occasion de mentionner le dilemme de la culture Native et du Christianisme il y a quelques temps (voir «la Nativité interrompue» en décembre).
«Ce sont des « apples » qui dirigent cette église» ajoute-t-il. Cette métaphore fruitière a un sens péjoratif bien précis : les pommes sont rouges à l’extérieur, blanches à l’intérieur. Bien sur, la rancœur de notre ami est intensifiée par les conflits de personnes qui ont lieu cette année et qui l’ont plusieurs fois blessé.

L’ironie de la situation, c’est qu’il n’est pas Natif lui-même. Il est «Caucasien». Sa femme, elle, est Native, et en l’épousant il y a 7 ans, il a aussi embrassé une culture qu’il admire, avec toute la passion et la sincérité qui le caractérisent.

Je ne pouvais m’empêcher de penser, en lisant cette lettre pleine de colère, à cette étrange situation, comme un écho inversé du passé : un homme de valeur et de conviction qui apostrophe des Natifs leur disant : «Bande de pommes ! Vous ne priez pas comme vous devriez !»

Irvin et moi partons demain (mardi 13) en Arizona pour une semaine. Nous allons suivre un cycle de formation continue, organisée et destinée aux Natifs Presbytériens de tout le pays, qu’ils soient pasteurs ou paroissiens. On a demandé à Irvin d’assurer un des cours. Son sujet : «Christianity and Native American Culture». Vaste question…

Thursday, January 8, 2009

La rivière Puyallup sort de son lit

Les pluies incessantes de ces derniers jours ont changé le paysage : nous sommes passés de belles étendues immaculées – c’est si propre la neige ! - à des larges flaques boueuses…

Au cours de ces derniers jours, les pelouses se sont lentement transformées en étangs, où canards, oies sauvages et mouettes se posent. Les fossés le long des routes débordent et nous roulons parfois dans 20 cm d’eau. Certaines routes ont été fermées à la circulation.

Nos chiennes n’apprécient pas le changement de météo. Comme tous les habitants du Northwest, elles remarquent à peine une averse, mais ce rideau de pluie, c’est différent. Invitées à sortir, elles me jettent un regard ennuyé et un peu perplexe. Visiblement, elles se demandent pourquoi je n’agis pas pour faire cesser ces conditions désagréables…

Les flaques sur notre petite terrasse se sont rejointes et forment une sorte de mare. Je m’attends à voir arriver des canards à tout moment, et j’appréhende le moment où les chiennes exigeront un masque, un tuba et des palmes avant de mettre une patte dehors.

Conséquence de ces pluies torrentielles : la rivière Puyallup, qui prend sa source sur les flancs du Mont Rainier et se déverse 45 km plus loin dans le Puget Sound (le bras de mer qui borde Tacoma) est en train d’inonder les villes qu’elle traverse, particulièrement Orting, Puyallup, Tacoma et Fife.

Orting est la plus touchée. Cette petite ville est proche des flancs du Mont Rainier, et hier une évacuation totale de son centre ville a été décidée par son Maire. Ça concerne plus de 20 000 personnes ! Le centre-ville de Puyallup est en ébullition, des sacs de sable sont posés pour protéger les endroits à risque, et des rues ont été évacuées. Nous habitons sur les hauteurs de South Hill, mais nous sommes inquiets pour les nombreux paroissiens concernés.

Comme la rivière Puyallup a été créée il y a 5000 ans par des lahars (coulée de boue épaisse comme du ciment provoquée par l’irruption soudaine d’une source d’eau chaude faisant fondre une portion du glacier qui recouvre le Mont Rainier) les endroits inondés sont aussi ceux qui seront en première ligne quand de nouveaux lahars surgiront – demain ou dans un siècle. Orting est particulièrement exposée, car le lahar est un phénomène si rapide que les alarmes installées sur les flancs du volcan ne servent pas toujours à grand-chose.

La photo ci-dessus, trouvée sur le site du Pacific Northwest Backroad Adventures, montre la rivière Puyallup inondant Levee Road (Levee = digue). Des maisons ont été construites ces dernières années le long de Levee Rd. Sans doute pas le meilleur emplacement…

Tuesday, January 6, 2009

L'Epiphanie, c'est quoi?

Nous venons d’entrer dans la saison liturgique de l’épiphanie. Quand j’étais enfant, l’épiphanie était fortement associée à des mages portant des cadeaux insolites et odorants non loin de galettes à la frangipane.
Bien plus tard, et sur un autre continent, la galette est devenue une charmante coutume exotique dont mes interlocuteurs américains n’ont jamais entendu parler.

Qu’est-ce que l’épiphanie finalement ? Le mot vient du grec (epi : sur, au-dessus ; phaino :montrer, donner à voir, révéler) et la saison marque le moment où Dieu apparait « en chair » dans notre monde. Dans la langue anglaise, une épiphanie désigne aussi une soudaine et intuitive compréhension d’une réalité.

Pour la saison de l’épiphanie, les textes du lectionnaire ont traditionnellement sélectionné differents événements rapportés par les Evangiles : la visite des mages bien sûr, premiers témoins venus de loin, bien au delà de Palestine, pour rendre hommage au nouveau roi. Par leur présence, ils attestent de son universalité (Matthieu 2 :1-12) ; le baptême de Jésus, où la voix de Dieu révèle la filiation divine (Matthieu 3 ; Marc 1 ; Luc 3) ; le miracle des noces de Cana (Jean 2) où Jésus transforme l’eau en vin, son premier acte surnaturel dans cet Evangile.

Mais bien avant la naissance de Jésus, certains textes du Premier Testament nous offrent des moments plein de sens où Dieu révèle sa présence. On peut penser bien sûr au buisson ardent – mais aussi à ce moment où, répondant au souhait de Moïse, Dieu se montre, mais ne permet à son prophète de le voir qu’une fois qu’il est passé. (Exode 33) On ne réalise souvent la présence de Dieu que rétrospectivement.

C’est aussi ce que nous apprend Jacob, bien plus tôt, dans le livre de la Genèse : Jacob fait le célèbre rêve où une échelle relie le ciel et la terre, au sommet duquel Dieu lui parle. A son réveil, il s’écrie « Certainement, l’Eternel est en ce lieu et je ne le savais pas ! » (Genèse 28 :16) Une affirmation plus souvent vraie qu’on peut le penser.

Bonne galette à tous !

Un nouveau blog à découvrir!


J’ai eu l’occasion de vous parler de An et Tuyet (voir « mes courageux étudiants d’hébreu » en décembre).
An a lui aussi un blog ou il décrit son ministère et son dernier voyage en Asie. Vous pouvez le voir à cette adresse :
http://andre-abundantlife.blogspot.com/

Sunday, January 4, 2009

La gravité a encore frappé

Nous venons d’avoir de mauvaises nouvelles d’Henry Fawcett, pasteur Tsimshian (une tribu d’Alaska) qui pendant des années a dirigé le programme Natif Américain du séminaire de Dubuque.

A présent retraité mais toujours très occupé tant par l’église que le séminaire, Henry n’a pas quitté Dubuque (Iowa). Il a été le mentor de nombreux étudiants et pasteurs, Natifs ou non, dont Irvin et moi-même.
Quand nous nous sommes fiancés, nous avons eu de longues conversations avec Henry, qui tout comme Irvin, a épousé une « Caucasienne » (comme on dit ici) et nous avons souvent eu l’occasion d’apprécier ses conseils, tant pour notre vie à deux, que dans les circonstances parfois imprévues de notre eglise. Henry a été longtemps pasteur à Seattle et il connait bien toute notre région, ainsi que la plupart des familles qui composent notre paroisse.

Toujours actif à près de 80 ans, Henry descendait differents objets encombrants dans l’escalier de sa maison, mardi dernier, et il croyait – à tort - être arrivé en bas des marches. Il est tombé et s’est cassé les deux jambes juste au-dessus du genou. Il a été transporté à l’hôpital, sa femme VeNita à ses cotés. Il sera opéré mardi prochain.

Friday, January 2, 2009

Liliane et A.J: deux livres passionnants pour 2009

Lorsque j’étais étudiante à la faculté de théologie de Paris, j’ai eu la chance d’avoir des condisciples très intéressants, parmi lesquels l’historienne Liliane Crété. Je ne vais pas vous mentir : elle avait un coté irritant ! Sa façon de terminer très à l’avance, et toujours brillamment, tous les devoirs ou exégèses à rendre, et de regretter ensuite de ne plus rien avoir à faire…
Dur dur pour le moral de nous autres, étudiants « normaux » !

Liliane est à présent docteur en théologie, et sa thèse a été consacrée à John Cotton et au puritanisme. Son travail vient d’etre publié, et je suis en train de le lire avec grand plaisir.

Le puritanisme garde une réputation d’ascétisme coincé – c’est avec cette signification que ce mot est entré dans notre vocabulaire courant, tant en Français qu’en Américain. Liliane montre que les premiers puritains pratiquaient une foi pleine d’émotion qui prenait modèle sur les relations avec le Divin décrites dans l’Ancien Testament.

Le protestantisme tel qu’il est vécu ici aux Etats Unis est encore très imprégné par le souvenir de ces premiers « Pères pèlerins » et c’est particulièrement intéressant pour moi d’en savoir plus sur leur héritage. Attention : il est difficile de poser ce livre quand on l’a commencé.

Un autre livre captivant, et très bien traduit en Français : « L’Année ou j’ai vécu selon la Bible ». Son auteur A.J Jacobs se décrit comme un « Juif agnostique » et pendant un an, il s’efforce de suivre les commandements bibliques à la lettre, étudiant aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament.

Il cherche à comprendre les raisons existant derrière ces commandements, demandant conseil à des rabbins, pasteurs, amis et voisins… Il rencontre d’autres personnes et groupes qui ambitionnent eux aussi de respecter la Bible aussi littéralement que possible, visitant un parc d’attraction créationniste dans le Kentucky, des Amish en Pennsylvanie, se rendant en Israël ou il s’entretient avec des Samaritains, se joignant à une réunion de Evangelical Concerned (un groupe de Chrétiens gays) …

Suivre Jacobs pas à pas dans ses pérégrinations est instructif et souvent extrêmement drôle – Jacobs nous fait rire à ses propres dépens, jamais à ceux de ses interlocuteurs.
A noter qu’aucun veau gras n’a été blessé dans la rédaction de ce livre.