Wednesday, December 5, 2012

Appréhension et Esprit Saint


Comment va se passer cette journée? Qui vais-je rencontrer ? Un patient va-t-il mourir ? Lequel ? Vais-je être à la hauteur ? Quand je roule vers la «Hospice house», ces questions tournent dans mon esprit ; les premiers jours, elles étaient semblables à des abeilles contrariées, rapides et sans répit. Apres trois mois, les abeilles se sont amadouées, c’est l’hiver, elles vont d’un point à l’autre, transies et apaisées. 
Autrement dit, je suis plus calme. L’appréhension est toujours là, mais juste un motif dans le paysage et non plus un thème omniprésent. Je ne peux jamais prévoir les rencontres à venir, ou me préparer pour une question délicate ou une situation inattendue. La sérénité passe par l’acceptation de soi et par la confiance: je me répète que tout à l’heure, quand la question ou la situation se présentera, j’y ferai face. Et je ne serai pas seule.
Dans le gros classeur qui nous a été confié lors de l’orientation, j’ai trouvé une prière pour les moments qui précèdent une visite. Cette prière a été écrite par le chapelain Ray Kelleher. En voici la traduction : 

«Quelque chose d’important va se produire. Je pénètre dans un lieu sacré. Je vais rencontrer, incarné dans un etre humain vulnérable, le bien-aimé de Dieu. Je serai réceptif. Je ne sais pas d’avance les mots à dire, les pensées à méditer, ou quelles actions seront nécessaires, donc je fais confiance au Saint Esprit, qui me guidera de l’intérieur. Dans cet esprit de confiance, j’ouvre la porte, prêt à offrir ce qu’il y a de plus authentique et de meilleur en moi, dans le temps qui m’est imparti».

C’est la seule façon d’agir. Et je remarque, quand je me demande vers quelle chambre me diriger, ou à quelle personne parler, que bien souvent, je me trouve au bon endroit juste quand il le faut. J’aperçois une épouse en larmes au détour d’un couloir, et peut lui proposer la conversation dont elle a besoin dans la petite chapelle. Je m’assois avec un proche au chevet de sa femme et il réalise avec un cri que celle-ci vient de mourir. Plus tard, il me dira «heureusement que je n’étais pas seul…»

Je propose une couverture chaude à un patient dont je perçois la tristesse. Son cancer est hors de contrôle, et à tout moment, ce vieux monsieur émacié peut tomber et se casser. Il voudrait rentrer chez lui. Sa femme et les médecins peinent à lui expliquer que ce n’est pas possible. Il est assis dans un fauteuil dans la demi-obscurité – il refuse de s’aliter – et il n’arrive pas à se réchauffer. Il accueille la couverture, qui a été chauffée dans un four spécial, avec soulagement. Il n’aime pas parler de religions ou de ses émotions. J’arrange la couverture sur ses genoux et je pose mes mains sur les siennes, si froides. Nous passons ainsi de longues minutes, sans parler.
Il est le bien-aimé de Dieu. 

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