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Friday, September 29, 2017

Pierre de Mareuil, aumônier du ciel

Retrouver un ami que l’on n’a pas vu depuis 20 ans après un vol Seattle/Paris de 9 heures est une leçon d’humilité.  Je sors toujours de ces vols pâle et fripée, avec cette fatigue qui donne l’impression qu’on flotte à l’intérieur de son propre corps… Et je n’ai pas rajeuni, évidemment, depuis la fin du siècle dernier, l’époque où j’étais étudiante avec Pierre à la faculté protestante de théologie de Paris.

Pierre est aumonier à l’aéroport Charles de Gaulles et il est étonnamment semblable à lui-même. Même sourire éclatant, même silhouette élancée pourvue de longues jambes qui lui permettent aujourd’hui d’accompagner les âmes égarées vers leur porte d’embarquement et/ou le rivage du réconfort spirituel. Nous nous étions donnés rendez-vous via la messagerie de Facebook.

-     Tu n’as pas du tout changé ! a-t-il déclaré, établissant d’une phrase qu’il était à la fois un gentleman plein de tact et un sacré menteur.

Nous nous sommes retrouvés devant un petit-déjeuner dans la vaste cafeteria du personnel où nous sommes entrés par une porte blanche sans aucun signe apparent.

Pierre parle anglais couramment. Irvin a expliqué son travail au sein de l’église presbytérienne où il soutient les églises Natives où qu’elles se trouvent aux USA, et Pierre nous a demandé si nous avions entendu parler des Indiens Toba.

Pierre a passé un an en Argentine pendant le cours de ses études et c’est là-bas qu’il a appris l’histoire de cette tribu Native qui a découvert l’Evangile grâce a un missionnaire itinérant qui a su communiquer avec eux sa passion pour Jésus.

Les missionnaires qui ont suivi et pensaient « tout leur apprendre » ont été accueillis avec des requêtes très précises. « Nous sommes déjà organisés en paroisses mais nous avons besoin d’en savoir plus sur la Bible ». 

« Ce sont les Tobas qui nous christianisent » a commenté l’un de ces missionnaires, impressionné.

Pierre a écrit son mémoire de maitrise sur les Toba, et en anglais ! Irvin et moi avons hâte de le lire.

Pierre n’est pas seul dans cet aéroport de 32 kilomètres de superficie. Un imam, un rabbin, un prêtre et plusieurs pasteurs veillent avec lui en bonne intelligence sur les voyageurs et ceux qui travaillent sur les lieux, n’hésitant pas à parcourir des kilomètres pour se trouver là où ils peuvent être utiles[1].

Savoir qu’ils sont présents tous les jours au milieu du stress, de l’inquiétude et des drames qui peuvent se produire est réconfortant…
  

Sunday, July 30, 2017

Alison et l’œuf à cheval

Déjeuner dans un restaurant du quartier avec mon amie Alison, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler.

Elle m’a prévenue, avant de se plonger dans la consultation du menu, qu’elle avait quelque chose à me dire, sous le sceau du secret.

Ah ?

Nous avons commandé, elle un « Faburgé » (habile jeu de mots du Chef, combinant « hamburger » et Fabergé, autrement dit un hamburger avec un œuf a cheval) moi une salade exotique avec une brochette de viande.



Et puis, elle m’a révélé le secret en baissant la voix.

« Je me suis inscrite à Weight Watchers ».

Alison est une belle jeune femme blonde, ronde et souriante, un chapelain très appréciée dans l’hôpital où elle travaille.

J’ai ri.

« Wow, je suis choquée !  Et tu me dis ça - comme ça, sans aucun préambule ? Je crois que j’ai senti un léger tremblement de terre quand tu as prononcé ces mots… »

Alison a ri elle aussi.

« OK, ce n’est pas un secret trop sinistre, mais un secret quand même parce que je ne veux pas que ma famille le sache. »

Sa famille habite sur la côte Est. Je ne les ai jamais rencontrés.

Elle a poursuivi : « Tu sais comment ils sont… »

Alison et moi étions « chaplain interns », aumôniers stagiaires, quand nous nous sommes rencontrées, donc nous savons beaucoup de choses l’une sur l’autre. Une grande part de ces stages consiste à parler de nos familles et analyser ensemble nos réactions en présence de patients pour comprendre comment notre passé nous influence.

Les parents d’Alison, éminents, élégants et bien sûr minces, ont toujours considéré les rondeurs de leur fille avec tristesse et désapprobation.

« Oui, je me souviens, mais justement, ils seraient contents de ta décision, non ? »

« Exactement. Ils vont espérer qu’en quelques mois je devienne une gazelle et la prochaine que nous nous verrons, ce sera « tiens, je pensais que tu aurais perdu plus de poids, que ca se verrait d’avantage… tu es sure que tu fais les choses comme il faut ? » Je préfère ne rien dire. »

Une fois ce point acquis, nous avons parlé de Weight Watchers.

« Je crois que c’est quelque chose que je peux faire », dit Alison gaiement, tout en dévorant son Faburgé. Elle était a jeun depuis la veille. Le jaune s’épanchait généreusement dans son assiette. Ma salade se révélait décevante.

« Alors, tu as des points, une trentaine par jour, qui sont calculés en combinant les calories, les grasses saturées, les sucres et protéines de chaque aliment. Les légumes et fruits sont gratuits, enfin 0 point. Il ne faut pas abuser, évidemment…. »

J’ai souri en regardant son assiette.

« Et après avoir mangé ça, tu sais combien de points il te reste pour ce soir ? »

« Non, en fait je n’ai pas encore regardé. Je voulais jeter un œil ce matin… mais j’ai été appelée aux urgences plusieurs fois. Attends, on peut le faire avec un téléphone… »

Elle a sorti son iphone. Instinctivement, j’ai saisi mon Android. J’ai cherché « nutritional values – hamburger with egg » et je lui ai donne les chiffres.

« Calories : 1200… (petit cri étouffé de Alison) Saturated fat : 225g… Sucre …. Proteines 67 gr… » « ça, c’est bien, ça va faire diminuer les points »

Après un instant, Alison a regardé l’écran de son téléphone, choquée. « 89 points !!! »

« Tu te rends compte ! Je viens de manger trois jours de points avec ce stupide burger ! »

Moment de silence pendant lequel elle a continué à regarder l’écran…..

Quelques jours plus tard, coup de fil d’Allison.

« Pad Woon Seen ! » a-t-elle annoncé sans préambule.

J’ai cru un instant qu’elle s’était mise à parler français et m’annonçait qu’il n’y avait « pas de…. » Mais en fait, elle partageait une bonne nouvelle.

« C’est un plat Thai, des nouilles – des vermicelles de riz en fait. Avec des légumes, des morceaux de poulet, crevettes, ce que tu veux. Tu trouves ça dans tous les restaurants thaï des environs… »

Notre région étant la plus proche du continent asiatique, nous avons des restaurants d’inspiration japonais, thaï, vietnamiens ou coréens un peu partout.

« Je peux aussi trouver des recettes en ligne, a ajouté Allison. L’important, c’est qu’il reste des choses que j’aime et que je peux manger. Tu sais combien de points pour un Pad Woon Sen, une pleine assiettée ? 11 ! 11 petits points ! »

Je l’ai entendue soupirer d’aise avant de poursuivre.

« L’important, surtout quand on a faim… c’est de pouvoir penser à quelque chose qu’on aura plaisir à manger… Impossible de faire un régime longtemps si on n’a pas ça. »

Elle a raison. Un régime – ou un effort dans tout domaine – ne peux durer longtemps sans espoir.

Sunday, June 18, 2017

Graduation : Un cri dans le lointain

« Ça y est, j’ai fini ma dernière dissertation. La semaine prochaine, je marcherai. »

C’était un post sur facebook de notre amie Monique, qui a repris courageusement ses études après des années de vie professionnelle. « I will walk » dans ce contexte signifie : je vais marcher sur une estrade, vêtue d’une robe noire et d’un chapeau carré et mon diplôme me sera remis officiellement. Autrement dit : graduation ceremony.

C’est là que je réalise plus que jamais que je viens d’ailleurs. Quand il m’est arrivé de recevoir un diplôme en France, j’ai fait comme tout le monde : j’ai vu mon nom sur une liste scotchée sur un mur, le soulagement m’a submergée et j’ai cherché une cabine téléphonique pour prévenir ma famille (c’était au siècle dernier). Fin de la célébration.

Aux USA, l’ambiance est toute différente. Par chez nous, l’évènement a lieu le plus souvent au Tacoma Dome, une enceinte qui accueille concerts et matchs de basket ou de football américain.  

Picture by the News Tribune 
Il faut arriver une heure à l’avance, payer $15 en liquide pour se garer à proximité, présenter des invitations distribuées par le futur diplômé, passer sous un arceau détecteur de métal, laisser derrière soi fleurs et bouteilles d’eau. Bien sûr, des fleurs et des bouteilles d’eau sont disponibles à l’intérieur du dôme pour un prix exorbitant.

Certaines familles sont là en nombre, avec ballons, fleurs, gâteaux, photos agrandies de leur progéniture et larges bannières avec le prénom qu’ils devront laisser derrière eux pour entrer. Mais ils sont prêts néanmoins. C’est qu’il faut faire fort pour communiquer son affection et son support à celui que l’on est venu feliciter.


Le public est assis dans des tribunes loin des étudiants qui entrent deux par deux et s’assoient devant l’estrade où différentes personnalités de l’université font de courts discours. Des écrans géants, de part et d’autre, permettent d’apercevoir le visage de chaque étudiant au moment de son arrivée dans l’enceinte, puis quand vient le moment de la remise du diplôme. C’est le moment où les familles ou le groupe d’amis hurlent le nom chéri – seul moyen pour qu’il puisse entendre.

Irvin et moi n’avons pas hurlé. J’ai fait de larges mouvements des bras vers Monique mais elle ne m’a pas vue. Nous nous sommes retrouvés à la sortie.

A la fin du lycée, la graduation ceremony s’appelle « Commencement », ce qui parait étrange pour la conclusion d’un cycle d’études. « C’est censé être le début d’une nouvelle vie » m’a expliqué Irvin.

Et la célébration de ces étapes est devenue une tradition le long de la scolarité. Regardez, mon petit cousin Adam vient de terminer pre-school (jardin d’enfants) à Seattle. He bien, il a eu sa graduation avec ses petits camarades.



Avec des diplomés aussi adorables, ces traditions, oui, on peut s’y faire. 

Monday, March 13, 2017

Reveal Party

Indian tacos et assiettes bleues ou roses...
Hier soir, Irvin et moi étions au milieu d'une famille amie de notre église, Church of the Indian Fellowship, des ballons bleus et roses autour de nous. Nous partagions des Indian tacos dans une ambiance chaleureuse, entourant la fille ainée de nos amis dont nous avions appris quelques temps auparavant qu’elle était enceinte. 

Le père de l’enfant et sa famille étaient aussi présents.  Une certaine excitation était palpable. Car ceci était une « reveal party » : une réunion au cours de laquelle le sexe de l’enfant allait être annoncé. « Est-ce que toi, tu sais ? » avons-nous demande au père – bientôt grand père.
« Non ! Je ne sais pas. Personne ne sait ! Même pas Alice (la future jeune mère).»

L’information, nous a-t-il expliqué, est communiquée directement par le gynécologue à ceux qui préparent un ballon spécial : plus gros que les autres et d’un violet profond. Le ballon est rempli de lanières de papier roses ou bleus selon la teneur de l’information reçue.

« Tout ce que nous voulons, c’est qu’Alice ait un bébé en bonne santé. Garçon ou fille, c’est secondaire… » Ce père de trois filles et un fils sourit avant d’ajouter « Bon, évidemment, je serais content que ce soit un garçon…»

Le moment de la révélation est arrivé. Les jeunes parents ont posé devant le ballon, seuls puis avec leur famille. 


Ensuite, le jeune père a fait éclater la chose et une pluie de papiers roses s’est éparpillée sur le jeune couple. Bouleversée, Alice s’est réfugiée dans les bras de son compagnon tandis que son petit frère se précipitait pour ramasser les confettis.


« J’étais sûre que c’était une fille, m’a-t-elle dit un peu plus tard. J’ai rêvé d’elle, je lui parlais, c’est comme si elle était déjà là… »
« Elle est déjà là » ai-je répondu. Pourtant Alice est si menue que sa grossesse ne se laisse pas encore deviner.

Ce bébé invisible et déjà si présent nous a fait du bien en cette fin de semaine marquée par le chagrin.


Wednesday, February 24, 2016

Raphaël Picon

Quand des nouvelles, bonnes ou tragiques, nous frappent, nous nous souvenons du contexte où nous les avons entendus avec précision. Où  étions nous quand on a marché sur la lune… quand nous avons appris la mort de lady Di… quand nous avons vu les images de 9/11…

J’étais assise avec Irvin dans un Starbuck à Orlando, en Floride, la veille de notre départ. Je « feuilletais » Facebook distraitement sur mon téléphone. Sur les pages de mes amis, j’ai vu apparaitre plusieurs fois la photo d’un jeune homme blond, souriant. Avant que je puisse lire le commentaire, plus long à apparaitre,  j’ai senti mon cœur s’accélérer.  Avant de lire, j’ai compris. Raphaël Picon était mort.


Raphaël était un théologien à la pensée originale et limpide et aussi un pasteur qui avait passé avec sa famille plusieurs années aux USA lors d’un échange de chaire. Il est devenu professeur et doyen de la faculté de théologie de Paris, où j’ai fait mes études, après mon passage. En tant que doyen, Raphael avait démêlé rapidement mes difficultés à rassembler les preuves de mes notes et « crédits », me permettant de faire reconnaitre que ma licence de théologie avait une valeur équivalente à celle d’un Master in Divinity, m’économisant trois ans de séminaire américain.

Je l’ai vraiment rencontré grace à notre ami commun Olivier. Tous deux travaillaient avec passion sur le magazine Evangile et Liberté. Nous avons eu la joie de plusieurs déjeuners ou diners ensemble, dans le grand appartement d’Olivier et Aurélie, où Irvin pouvait participer à la conversation sans difficulté puisque Raphaël et sa femme Cécile etaient tous deux bilingues.

Tous les six, nous avions grand plaisir à parler d’abondance d’expériences de paroisses, de séminaires ; d’enfants qui grandissent et de voyages.

Quelques semaines après notre dernière rencontre, Raphael a appris qu’il avait une tumeur au cerveau. Le diagnostic en aurait foudroyé plus d’un. Il entreprit calmement un traitement choc de chimio et radiothérapies quotidiennes qu’il se félicitait de bien supporter, tout en relisant les épreuves de son dernier livre sur Emerson « le sublime ordinaire ». 


Dans un email chaleureux, il me remercia d’avoir demandé aux « prayer chains » dont je fais partie dans mes différentes paroisses de prier pour lui. Un de ses amis avait glissé une prière de guérison dans le mur des Lamentations de Jérusalem, me dit-il. Ces initiatives le touchaient beaucoup. Mais après tous ces traitements, si la tumeur avait en effet cédé du terrain, une autre fut détectée, inopérable. A partir de là, les nouvelles n’ont pas cessé d’être mauvaises. Jusqu'à cette journée de janvier.

Comme j’aurais aimé me joindre aux obsèques et aux différentes cérémonies et moments de célébration qui eurent lieu à la faculté de théologie. Je pensais – je pense toujours - souvent à Cécile, dont je partage le prénom et les années de lycée communes à St Cloud, où nous sommes côtoyées sans nous connaitre encore. Grace à Olivier, j’ai pu lire le témoignage de son fils ainé, 15 ans, dont voici quelques lignes :

« Mon père a accepté naturellement cette maladie et la mort à venir. Et cela, il l’a fait pour nous, pour les vivants. Jamais il n’a exprimé la moindre inquiétude sur notre avenir à nous quatre. Jamais il ne nous a donné de conseils, parce qu’il avait toute confiance en nous « son sublime ordinaire ». Il était convaincu que la vie reprendrait si tant est qu’elle se soit même arrêtée.
Il a accepté pleinement la souffrance et la mort, jusqu’à nous la faire oublier et peut-être l’oublier lui-même, dans un ultime et éternel geste de vie. »

Qu’est-ce qu’une bénédiction ?
John O'Donohue, le poète Irlandais,  nous répond: c’est un cercle de lumière dessiné autour d’une personne… une invocation de grâce qui survient quand le cœur humain plaide avec le cœur divin. Quand une bénédiction est invoquée, une fenêtre s’ouvre sur le temps eternel. 
La vie de Raphael, ses livres, son œuvre, la famille et les souvenirs qu’il a laissé derrière lui sont de telles bénédictions. Les fenêtres qu’il a laissé ouvertes pour nous ont ensemencé et enrichissent notre présent. 

Friday, February 13, 2015

Une semaine en février

Une résolution 2015 que je veux respecter – tout en lui donnant une certain souplesse… écrire dans mon blog une fois par semaine, au moins. C’est tellement plus difficile de rompre un silence qui a duré des mois (même si j’ai l’impression d’avoir cessé d’écrire à peine plus de trois semaines) – un peu comme d’essayer de rattraper un cheval au galop – et tenter de remonter sur son dos.

Que s’est-il passé cette semaine ?

Un moment important dans la vie de l’église où je travaille, UPPC  (University Place Presbyterian Church) : l’installation de notre Senior Pastor, Aaron Stewart, dimanche dernier. Le choix de ce pasteur a eu lieu en novembre, le même dimanche que mon ordination en fait. C’est un choix à la fois sage et audacieux. Audacieux parce que, dans la tradition presbytérienne, les églises engagent plutôt  quelqu’un qui vient de l’extérieur (ça a même longtemps été une règle absolue) et Aaron a fait partie de la vie de UPPC depuis 18 ans. Sage parce qu’il est un bon leader – il  a été l’executive pastor pendant la transition qui a précédé sa nomination et j’apprécie son style dynamique et ouvert.
Une nouvelle page de la vie de cette église vient de commencer.


Et aujourd’hui, c’est vendredi 13.

Le 13 février, c’est le jour de la sainte Béatrice,  et même si ma famille n’a jamais célébré les fêtes,  deux sont restées inscrites dans ma mémoire : le 13 février et le 1er décembre, fêtes de mes amies catho ! J’avais 8 ans quand j’ai rencontré Béatrice. Nous n’avons jamais cessé d’échanger des courriers, des fax ou des emails, selon les années et l’évolution de la technologie correspondante. 
Beatrice (en blanc) lors d'une visite a Troyes il y a quelques annees.
Max, le mari de Beatrice, a pris la photo
Le 13 février, c’est aussi un anniversaire : en 2001, Irvin et moi nous sommes fiancés ce jour là. Cet après-midi, en dégustant des huitres fraiches dans une «taverne» au bord de l’eau – un des rares endroits qui en proposent – sous un ciel mi-figue mi-raisin, je me disais que, quoi qu’on en dise, les vendredi 13 sont des jours fastes et de bon augure. 


Wednesday, December 31, 2014

Anges, galettes et présence divine

Lynn Longfield, une amie que j’admire, a bien voulu precher lors du service d’ordination. Lorsque je travaillais au Presbytery, Lynn était le ‘Presbyter’, autrement pasteure des pasteurs de la région. 

Lynn a preché sur Elie, seul et découragé, soutenu par Dieu et ses anges (1 Rois 19). C’est un de mes textes bibliques préférés. 

Un ange soutient Elie avec des galettes cuites sur des pierres chaudes et de l’eau. Finalement, Dieu s’approche d’Elie, sous la forme d’un «souffle fragile» ou d’«une voix tenue» (selon les traductions) pour s’adresser au prophète en pleine débâcle.


Le paradoxe, nota Lynn, c’est que, lorsque Dieu nous parle dans le silence de notre propre cœur, avec cette voix imperceptible porteuse d’inspiration mystérieuse,  alors la révélation nous parvient du plus profond que nous n’avions jamais été seuls.

Le tout est d’être à l’écoute. Lynn a mentionné cette citation «Silence and listen have the same letters, coincidence ?» 

Dieu marche à nos cotés de bien des façons, a poursuivi Lynn. Parfois, il envoie des messagers qui nous apportent des galettes encore chaudes et de l’eau fraiche. La communauté qui nous entoure est aussi le témoin de l’amour de Dieu.

Le jour de mon ordination, c’était plus vrai que jamais. 

Sunday, April 15, 2012

Enfants de la promesse

«Il n’est pas ici» dit l’ange aux femmes venues au tombeau avant l’aube en ce premier dimanche de Pâques. Ces mots sont le cœur de notre foi. Un appel à l’aventure, dit Raphael Picon dans sa prédication de Pâques ; il conclut par ces paroles :


«Le christianisme est né le dimanche de Pâques. Nous sommes nés un dimanche de Pâques : nous sommes les enfants de la promesse. Nous sommes les enfants d’une folle promesse... Rien ne saurait désormais nous condamner à l’échec, au désespoir. Le Christ dit la valeur infinie de chacune et de chacun. C’est cette prédication qui fait toute la saveur du christianisme que nous aimons et auquel nous adhérons. Ce christianisme fait de nous des pèlerins aventureux, accrochés au cependant du poète pour faire rouler toutes les pierres des tombeaux, pour arracher à la fascination de la mort, et pour rendre, à nouveau possible, la vie.»


Nous sommes rendus à la vie, par delà la mort. «Il n’est pas ici», ces mots résonnent aussi dans mon esprit à l’évocation d’Hugues Madesclaire, qui nous a quittés voici deux ans cette semaine. Sa vie ne s’est pas close au seuil de l’énigme de sa mort prématurée.
Mystérieusement, le souvenir qu’il a laissé, l’influence qu’il a eue sur ceux qui l’ont connu continue d’irriguer le monde des vivants.
Pour lui aussi, le tombeau est vide. C’est dans la lumière du ressuscité que l’on trouvera sa présence.

Wednesday, April 20, 2011

Hugues Madesclaire, un an déjà…

Mes pensées se sont souvent tournées vers Hugues ces dernières semaines. J’ai du mal à réaliser que cela fait déjà un an qu’il a disparu. L’occasion d’une réflexion : pourquoi son absence est-elle si différente? Je ne l’avais pas vu depuis plusieurs années et je vis sur un autre continent.

Pourtant, savoir qu’il n’est plus parmi les vivants, cela fait un abîme de différence. Des retrouvailles ne sont plus possibles, ni la perspective d’un joyeux échange sur ce que chacun est devenu pendant ces dernières années. Restent la tristesse, les questions qui resteront sans réponse, les souvenirs…

Son meilleur ami m’a dit qu’il irait à Pâques avec un petit groupe de proches, se recueillir sur la tombe d’Hugues à Marseille. Pâques, la célébration de la résurrection, le jour où, d’une église à l’autre, nous affirmons les uns aux autres “Christ est ressuscité” – “il est vraiment ressuscité”, cette parole porteuse du cœur de notre espérance.

Après la mort accidentelle d’un jeune bénévole dans une paroisse voisine, un pasteur mentionnait récemment les mots suivants qu’on prête au roi David devant la tombe de son fils : "he will not be coming back to us. We will be going to him". – “il ne nous reviendra pas. C’est nous qui irons vers lui”. Notre espérance…

Thursday, February 10, 2011

Un ciel sans limite


Mercredi dernier, comme tous les deuxièmes mercredis du mois, j’ai passé la journée avec le Comite de préparation au ministère. J’appartiens à ce comité, qui me suit aussi dans mon parcours vers l’ordination.

Ce comité m’a permis de mieux connaitre et apprécier le groupe de pasteurs et d’elders (conseillers presbytéraux) qui donnent leur temps pour aider le discernement et le cheminement de ceux qui se sentent appelés à devenir pasteurs.

L’un d’entre eux, Eric Jacobsen, pasteur d’une grosse église à Tacoma, vient de perdre son père début janvier. Au printemps dernier, celui-ci a reçu un diagnostic de cancer du pancréas. Devant la gravité de son état et le peu de temps qui lui restait, il a refusé tout traitement. Il s’est ainsi senti en forme pendant les six derniers mois de sa vie jusqu'à quelques jours avant sa mort. «Toute notre famille a vécu avec lui tant de moments importants ces derniers mois… a commenté Eric. Nous avons vécu l’equivalent de plusieurs années.»

Dans ce même comité, Max dont j’ai déjà parlé en novembre [1] - il vient avec sa belle chienne Anna Murray – affronte à son tour un diagnostic difficile. Un mélanome découvert l’été dernier, déjà à un stade avancé, et cette semaine la révélation d’une tumeur au poumon. «C’est déroutant de se savoir si malade quand on se sent par ailleurs si bien, nous a-t-il dit. Déjà envisager la fin de la route…» Max a fêté ses 60 ans en octobre dernier.

Les médecins américains, on le sait, ne cachent pas la vérité à leurs patients, même si elle est fatale. Affronter la perspective d’un avenir limité – c’est presque insurmontable. Mais vivre chaque jour en connaissance de cause est peut-être à ce prix. Chaque jour a un ciel sans limite.

[1] Voir 12 novembre 2009 “le sourire de la chienne leopard"

Sunday, January 23, 2011

Irvin tourne 50 – un anniversaire américain


Mercredi dernier, Irvin «a tourné 50» comme on dit ici – autrement dit, il a célébré son cinquantième anniversaire. J’ai organisé une petite réunion de famille et de paroissiens à l’église le soir dit. L’occasion de passer en revue quelques usages et coutumes locales pour fêter un anniversaire dignement.

Le gâteau : il est traditionnellement plat et rectangulaire et a en général peu d’intérêt sur le plan gustatif. Il s’agit le plus souvent de deux couches de génoise (qu’on appelle ici «sponge cake») séparées par une strate de «frosting» - une sorte d’émulsion sucrée qui recouvre aussi le gâteau entier en un glaçage crémeux.
coupe transervale
La platitude du gâteau permet d’insérer un bas-relief de félicitations sur sa surface plane, voire - pour les spécimens plus sophistiqués - une photo ou un dessin représentant l’événement.  

Les ballons : ils constituent un ajout apprécié d’une célébration de ce genre. Bien sûr, ils sont choisis astucieusement pour symboliser tout à la fois l’enfance de l’invité d’honneur et l’occasion festive. A noter : pour qui n’est pas habitué à manipuler 4 gros ballons gonflés à l’hélium, se méfier des rubans qui les retiennent. Ils ne sont pas solides, et c’est ainsi que le ballon numéro 4 a réussi à s’enfuir dès la sortie du magasin, et a disparu dans le ciel bleu en quelques instants.








Par ailleurs, les trois ballons rescapés flottent au dessus des sièges et prennent un espace étonnant sur la banquette arrière d’une Ford Focus déjà encombrée d’apéritifs mexicains et de fromages français. Passer la marche arrière et regarder par-dessus son épaule avant de commencer la manœuvre signifie qu’on se retrouve nez a nez avec Mickey, lequel manifeste une inertie pleine de mauvaise volonté à vous laisser jeter un œil par la lunette arrière.


Les bougies : les bons gros chiffres solides sont le bon choix. En l’occurrence, j’ai disposé deux «25» pour réduire l’aspect déconcertant du changement de dizaine.

Je m’étais aussi laissée tenter par une petite décoration «happy birthday» - chaque lettre délicate était aussi une bougie. Mais dans le stress des préparatifs de dernière minute, j’ai aussitôt cassé le H de birthday. Et les lettres restantes ont refusé de se laisser allumer.

Au final, la soirée a été sympathique. Irvin était content de revoir ses oncle, tante et cousins qui habitent dans notre région. Des amis pasteurs se sont aussi joints à nous, ainsi que des paroissiens. L’inauguration réussie de la deuxième moitié d’un siècle.

Sunday, October 31, 2010

Les frontières du possible bougent encore

Les frontières du possible sont mouvantes en cette fin de mois d’octobre. Aujourd’hui, j’ai vu Alice aux pays des merveilles et un squelette dans les rayons du supermarché – pas des enfants, des adultes qui faisaient leurs courses.

Et sur le parking en sortant, la voiture garée près de la mienne avait une particularité inattendue : un pied humain dépassait de son coffre clos. Il faut bien s’y résoudre : à Halloween, les enfants ne sont pas les seuls à se déguiser.

Dans une société où le fait religieux imbibe si profondément le quotidien, cela provoque bien sûr des protestations et des polémiques. Ainsi, une église baptiste en bordure d’une artère de Puyallup arbore fièrement le message suivant cette semaine «Abstain from all appearance of evil, 1Thessalonians 5 :22. That includes Halloween».

La polémique surgit parfois là on l’attend le moins. Il y a quelques années, une des écoles primaires de Puyallup avait décidé d’annuler l’après-midi habituellement consacrée à un défilé costumé des enfants… du fait de la protestation solennelle d’un groupe de ‘Wiccans’, «adorateurs de la terre», qui se disait choqué par la représentation caricaturale des sorcières dans ces déguisements. L’affaire et l’indignation dans les familles qui en résulta fit les honneurs de la presse nationale[1].

Quoi qu’il en soit, la journée d’aujourd’hui s’est passée dans l’harmonie, et plus étrange encore, presque sans pluie. Ce matin, le titre du sermon d’Irvin était «All Saints», et il a évoqué ces personnes au long des siècles qui nous inspirent et nous servent d’exemples, mentionnant des personnalités Natives de grande foi du siècle dernier.

Ce soir, nous avons accueilli des enfants aux apparences multicolores avec les traditionnels bonbons.
Mais la palme du déguisement revient sans conteste à Guillaume, un compatriote qui vit à Tacoma. Guillaume et sa famille sont allés au-delà du déguisement : à eux quatre, ils ont créé une histoire composée de chacun de leurs déguisements.
Marcus, leur plus jeune fils, était le dragon qui a mis le feu à la maison, incarnée par Guillaume.
La maman a été tirée du lit, d’où ses bigoudis, heureusement Max, le pompier, est intervenu a temps.
La meilleure façon de «trickortreat» en famille, selon l’expression de Max !

Monday, October 4, 2010

Message personnel

Florence, je viens seulement de découvrir ton commentaire de juillet dernier qui m’a vraiment touché et fait si plaisir. Si tu le souhaites, n’hésite pas me donner de tes nouvelles et des nouvelles de tes études – tu peux m’emailer directement en allant sur la page de mon profil. A bientôt ?

Thursday, September 30, 2010

Les cauchemars sont bien attrapés!

Les «dream catchers» sont des cerceaux que les Natifs américains suspendent près de leur lit.

Traditionnellement, le dream catcher filtre les rêves. Les cauchemars sont capturés dans la toile, tandis que les bons rêves peuvent se glisser et parvenir jusqu’au dormeur[1].

C’est ainsi qu’Irvin et moi avons envoyé un de nos dream catchers, décoré par Irvin, à Antonin, un petit garçon qui faisait des cauchemars.

Antonin a mis l’objet en bonne place dans sa chambre et le résultat ne s’est pas fait attendre : les cauchemars ont disparu !

La tradition des dream catchers : une histoire qui finit bien.


[1] Voir “Les gardiens du reve”, 12 juillet 2010

Sunday, June 13, 2010

Une messe à Paris pour Hugues Madesclaire


Les amis parisiens d’Hugues vont se retrouver pour une messe lundi 14 juin à 19h en l’église Ste Elisabeth de Hongrie. Une occasion pour tous, y compris ceux qui sont trop loin pour etre présents physiquement, d’etre en communion de prière…

Entendre à nouveau la voix d’Hugues est un moment privilégié de réminiscence… Sur le site du diocèse de Marseille, à la page Parole du Jour, Hugues avait enregistré le 1er avril un commentaire de l’évangile de Jean. http://marseille.catholique.fr/Jeudi-1er-avril-Parole-du-jour

Monday, May 3, 2010

Hugues Adieu

Pourquoi le monde dans lequel Hugues n’est plus est-il si différent ? Même sur un autre continent, j’ai besoin de m’habituer à cette douloureuse réalité.

Et dans le même temps, je suis pleine de reconnaissance. Les commentaires qu’ont bien voulu écrire ceux qui l’ont connu eux aussi, la beauté des paroles évoquant la cérémonie de ses obsèques, où pres d’un millier de personnes se sont pressées, m’ont beaucoup aidée. Grace à Vincent, j’imagine Hugues commentant le texte des compagnons d’Emmaüs, au bord du lac de Tibériade.
J’ai le sentiment d’avoir été présente à la basilique lundi dernier, lors de ses obsèques - Caroline a eu la gentillesse de me décrire ce qui s’y est déroulé - avec la conscience que cette ceremonie fut «un événement d'exception, une pâques dans laquelle nous avons été plongés pendant près de deux heures et qui m'accompagne toujours à la minute où j'écris, comme l’écrit framb avec sensibilité. «nous sommes [a travers cette mort] sans que nous le comprenions vraiment, rassemblés en Christ» Un moment où la paix «qui transcende toute compréhension» (Philippiens 4 :7) s’impose, même si ce qui est arrivé il y a peine plus d’une semaine reste un mystère.

«Quand on commence à penser au suicide, quand on commence à se plonger dans ce projet, on est pris par une sorte de logique différente, comme une spirale, me dit Elaine, l’amie américaine qui a écrit un commentaire que j’ai ajouté de sa part, et qui il y a des années a tenté de se donner la mort par deux fois. Le projet se met à avoir une force propre, urgente, qui vous aspire. On se met à penser différemment, comme si on n’était plus soi même.»

Pourtant, quand je lis un commentaire doutant du suicide, moi aussi je m’interroge.

Mais il existe un moment où c’est à Dieu qu’il faut confier doutes et douleurs, si tourmentants soient-ils. Un moment où nous nous tournons vers l’origine de la grace qui s’est posée sur la famille et les si nombreux amis d’Hugues lors de ces cérémonies. Un de ses proches m’a dit «Les célébrations, veillées de prières et la messe étaient superbes et apaisantes. Nos cœurs ont pu trouver le repos.»
Confier à Dieu. Adieu.