L’exposé (sujet : les oiseaux) était dû pour le lendemain. Le petit garçon avait eu 15 jours pour le préparer mais toujours repoussé le moment de s’y plonger. Le soir tombait et la panique le gagnait tandis qu’il essayait de rédiger quelque chose. Son père, un écrivain, lui dit calmement «ne t’affole pas… concentre-toi, oiseau par oiseau».
Je restitue cette anecdote de mémoire – elle est racontée par l’auteur (et aussi sœur du petit garçon) Anne Lamott, dans son livre sur l’art et les difficultés de l’écriture. Elle a appelé le livre «Bird by Bird, some instructions on writing and life» à partir de cette histoire. «Bird by Bird» est devenu rapidement un classique.
Ce livre est un des premiers que j’ai réussi à lire «couramment» en anglais quand j’ai commencé à vivre aux USA et ce sentiment d’un tout nouvel horizon qui s’ouvrait à moi s’est mêlé a la joie de lire un auteur dont je me sentais si proche. Quand j’ai su qu’Anne Lamott viendrait parler à Tacoma le 24 février, je me suis précipitée.
Anne (que tout le monde appelle Annie - le e finale se prononce i chez les américains) a grandi avec l’assurance perpétuellement répétée que tout allait bien dans une famille où chaque membre vivait isolé dans son propre problème composé d’indifférence et de drogue. Elle-même a dû lutter pour se sortir de ses propres addictions, drogue et aussi désir de faire plaisir, la détermination de guérir, sauver, réparer tous ceux qu’elle aimait.
«Pour ce qui est de vouloir sauver mes proches, je n’ai pas changé», sourit-elle. «J’ai toujours d’excellentes idées pour améliorer leur vie.»
Mère célibataire d’un fils qui a eu lui-même un enfant à 19 ans, elle a appris à ronger son frein pour ne pas intervenir perpétuellement dans la vie de la toute jeune famille. «Je voulais venir faire leur vaisselle, apporter des courses, faire leur ménage… une de mes amies m’a convaincue que non seulement ce n’était pas souhaitable mais que ce serait même une forme de maltraitance. Elle m’a dit : si ce n’est pas ton problème, tu n’as probablement pas la solution. Vrai… mais très agaçant.»
Anne a demandé à son fils ce qu’il avait préféré de son enfance – et aussi son pire souvenir. Il a répondu qu’il avait beaucoup aimé les grands moments de coloriages partagés, tous les crayola par terre, et la joie de dessiner sans limite. Et le pire, c’était d’avoir une mère si anxieuse. «Je ne serai pas comme ca avec mon bébé» a-t-il assuré. Anne raconte ensuite avec un sourire malicieux l’inquiétude de son fils un jour, se demandant si son enfant ne risquait pas de manquer d’air parce que, peut-être, son coupe-vent était trop serré ?
Anne est reconnaissante à son eglise presbytérienne, une petite communauté qui l’a accueillie alors qu’elle luttait encore pour se sortir de la drogue. Cette congrégation l’a entourée et aidée.
Elle écrit des livres où elle parle de sa vie, de ce que la foi représente pour elle, des moments de grâce qu’elle rencontre, de la tension et du bonheur qui viennent avec notre condition hybride : êtres humains pleinement enracinés dans la terre et aussi êtres de lumière à même de discerner la présence de Dieu.
Lors de la conférence, je connaissais beaucoup de présents : des pasteurs ou des elders presbytériens. Et aussi des membres de mon club Toastmaster, désireux d’entendre les conseils d’Anne sur le processus d’écriture.
«La volonté d’écrire vient de la douleur, du désir d’exister et de ne pas s’éparpiller, a dit Anne. Pas du narcissisme. Ecrire chaque jour : si vous ne ressentez pas cette exigence intérieure, ne le faites pas. Ecrire chaque jour : comme si c’était une dette d’honneur.»
[la photo d'Anne Lamott ci-dessus vient de sa page facebook]
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