Wednesday, April 13, 2016

Citoyenne sans prénoms


La convocation est arrivée : le 5 avril sera le jour du test civique, dernière étape pour devenir américaine.

Les 100 questions sont séparées en groupes, American Government ( par exemple, What is an amendment ? ) System of government (Who is in charge of the Executive Branch of the government ?) ; Rights and Responsibility of citizens (What is one responsibility that is only for US citizens?) ; American history (Who wrote the Declaration of Independence?) ; Geography (Name one of the 2 longer rivers in the USA?) ; Symbols and Holidays (Why 50 stars on the flag?)[1]

Mais il ne s’agit pas de réciter les 100 réponses. En fait, le candidat à la citoyenneté doit répondre correctement à 6 questions. On lui en pose jusqu'à 10, si besoin est. On demande aussi au candidat de répondre à une ou deux questions de base en anglais (on peut avoir recours à un interprète pour le test civique) et d’écrire aussi deux phrases simples en anglais. Rien d’insurmontable donc…

Si ce n’est que le 4 avril, je combattais une sorte de grippe intestinale si violente que je n’étais pas sure de pouvoir me déplacer où que ce soit le lendemain. Finalement, Irvin m’a conduit à Tukwila, où se trouve le bâtiment de l’Immigration service. J’étais incapable de manger quoi que ce soit et trop fatiguée pour conduire. Mais si je manquais de ressort, je me sentais suffisamment lucide pour passer le test.

Je me suis ainsi trouvée dans un petit bureau de l’Immigration service, en face d’une jeune femme souriante. Et elle a commencé l’entretien d’une façon inattendue. « J’ai un problème avec vos noms…. »

Au fil des ans, dans les formulaires pour ma carte verte puis de ma naturalisation, j’ai parfois utilisé mon nom de jeune fille, parfois seulement mon nom de femme mariée. Et puis je n’ai pas de « middle name ». Les américains ont typiquement un «first name» : leur prénom usuel. Et un middle name.  C’est tout. J’ai un prénom composé et deux prenoms de plus.

La jeune femme a résolu le problème rapidement : elle a raturé mon nom de jeune fille et mes deux prénoms non usuels. Disparus de mon état-civil américain! Rétrospectivement, je regrette de ne pas avoir insisté pour tout garder. Mon nom de jeune fille est si bref, une seule syllabe, que je l’utilise couramment en le juxtaposant à celui de mon mari. Et mes troisième et quatrième prénoms font partie de mon identité. Mais j’étais sans énergie et si concentrée sur le test à venir –  j’ai pensé que je rétablirais la situation en changeant mon nom un jour prochain, c’est une procédure facile aux USA.

Le test s’est passé sans problème. Puis la jeune femme a regardé un document.
« Voulez-vous prêter serment cet après-midi ? »  

Surprise, j’ai dit oui. Tukwila n’est pas exactement la porte à côté et après tous mes déboires pour obtenir la carte verte (le dossier a été perdu, j’ai du tout recommencer) je ne voulais pas remettre à plus tard la conclusion du processus.

C’est ainsi que, dans une légère brume, je me suis retrouvée dans un amphithéâtre, assise au milieu d’autres presque-américains. Nous avons remis nos cartes vertes. Des documentaires se sont succédés sur un écran : le Président Obama nous souhaitant la bienvenue ; des images en noir et blanc d’immigrants arrivant en bateaux sous le regard altier de la Statue de la Liberté ; les drapeaux de toutes les nations représentées dans la salle, se fondant dans la bannière étoilée ; des informations pratiques (vous êtes américains maintenant, vous avez de nouveaux droits, faites venir votre famille !) avant le moment que nous attendions tous : prêter serment, debout, la main droite levée.

"I hereby declare, on oath, that I absolutely and entirely renounce and abjure all allegiance and fidelity to any foreign prince, potentate, state, or sovereignty, of whom or which I have heretofore been a subject or citizen..... so help me God."

La plupart d’entre nous vont pourtant garder leur nationalité d’origine – grâce à un traité avec les USA. C’est le cas de nous autres, français.

Finalement, nous sommes appelés un par un et on nous remet à chacun notre certificat de naturalisation. Ma photo s’y trouve – la photo prise lorsque j’ai donné mes empreintes digitales. Une photo peu flatteuse, comme je le prévoyais.

Mais peu importe. Je suis américaine, désormais prête à servir dans un jury. Et surtout prête à voter.







[1] Réponse aux questions : un amendement est un changement ou une addition apportés à la Constitution. Le Président est en charge de l’Exécutif du gouvernement. Seul le citoyen américain a la responsabilité de servir dans un jury et de voter aux élections nationales. Thomas Jefferson a écrit la Déclaration d’Indépendance. Le Missouri ou le Mississippi.  Chaque étoile sur le drapeau américain correspond à l’un des 50 états des USA.