Monday, March 30, 2015

Défis et métaphores du chien noir

Quand on aime communiquer et partager, avoir un chien noir représente une certaine difficulté. On veut montrer des photos du chien, partager l’attendrissement. Mais le chien noir est difficile à photographier. Pour peu que la lumière n'y mette pas du sien, on se retrouve avec la photo d’une masse au contour imprécis. Les beaux yeux sombres et expressifs de l’animal sont difficiles à discerner. 
Quelqu'un peut-il me dire ou est la tete et ou est la queue de ce chien?
Bien sur, on peut jouer avec les nuances de la photo, l’éclaircir, mais on se retrouve vite avec un chien gris pale au milieu d’un décor délavé.

De plus, le chien est rapide et ne saisit pas la nécessité de rester immobile, quelques instants, pour la postérité (et la popularité des "parents" nourrissiers sur facebook). 
Ici, deux secondes auparavant, se trouvait un chien dans une pose adorable. 
Donc puisqu’elle est si difficile à voir en photo, je me prends à imaginer comment la représenter sous d’autres formes. Bon, si elle était un dragon, elle serait bien évidemment une Fury. (Amusant ces films "Dragons !")












Si elle vivait dans le monde sous-marin, elle serait un oursin. J’ai nagé dans la Méditerranée toute ma jeunesse et connait la douloureuse rencontre avec les oursins, entre deux rochers, juste le jour où  on se baigne sans sandales en plastique… Tout à fait Denali. Elle surgit avec tendresse, on a droit à quelques coups de langue chaleureux et soudain – les dents comme des aiguilles attaquent !

Pas facile donc de partager des images de notre dragonne-oursin. Mais vivre avec elle et la voir grandir est une joie – il faudra me croire sur parole. 



Bon Sang et Indian tacos

Que s’est-il passé cette semaine? Petit retour en arrière sur ces derniers jours. 

Biche du matin 
Dimanche dernier, en me rendant a UPPC pour les cultes du matin, je me suis trouvée nez à nez, ou presque, avec une biche. Elle marchait sur le trottoir, venant de bois proches. Elle a traversé derrière ma voiture. 

Cela arrive parfois de croiser ces animaux, coyotes ou biches, rappel de l’urbanisation récente de toute la région. Mais c’est toujours un moment de surprise et, depuis que je connais un peu l’univers Natif américain, j’y vois un signe de connivence du monde qui me réjouit.


Bon Sang n’est pas Français
Ce dimanche là, après le premier culte, chacun avait la possibilité de donner son sang, s’il le souhaitait. Je me porte toujours volontaire dans ces cas là. J’aime la solidarité que cela implique, sans parole, entre deux personnes qui ne se rencontreront jamais, l’une recevant de l’autre les globules dont elle a besoin. Et je suis du groupe O, donneur universel, qui n’est pas aussi répandu ici qu’en France. 

Je me suis donc présentée dans la grande salle claire de l’église, qui sert aussi de gym et de salle des fêtes. Tout au fond, des fauteuils avaient été installés. Mais je n’ai pas été autorisée à aller plus loin que le petit accueil improvisé. 

Eh oui, je suis française. Je vivais en France dans les années 80/90, à l’époque de la maladie de la vache folle. Il est impossible de détecter si se cache dans mon sang ce qui causerait un jour la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Donc mon offre de don a été courtoisement refusée.
L’infirmière, peu habituée à refuser des volontaires, cherchait à adoucir la décision de rejet. Elle m’a sourit.

«Vous voulez un biscuit ?»

Indian Tacos à vendre et à savourer
Une fois par trimestre, la church of the Indian fellowship, dont Irvin est le pasteur, organise une vente d’Indian tacos. Les fry bread sont une spécialité Native recherchée, peu diététique mais ô combien réconfortante que j’ai déjà eu l’occasion de décrire.


Nous avons eu beaucoup de monde vendredi, et j’étais ravie de voir des collègues et paroissiens de UPPC, l’eglise où je travaille, se joindre aux connaisseurs.

Le lendemain, samedi, la vente a continué. S’y est ajouté un buffalo stew, un ragout de viande de bison, que le fry bread accompagne. 

En général, je le fais au petit matin mais c’est un peu juste pour que tout soit bien cuit – le slow cooker, comme son nom l’indique, cuit lentement. Cette fois ci, j’ai tout préparé le soir et le ragout a mijoté toute la nuit. Plus facile pour moi, et le résultat était meilleur… 



Je remplace le bœuf par du bison dans une simple recette de beef stew. J’ajoute toutes sortes de légumes. La sauce est constituée de concentré de tomates, sauce soja, sauce  Worcestershire et vinaigre balsamique ou de Xerxès. On ajoute du bouillon de bœuf. Je fais le mien à la maison, a l’avance. C’est tout simple, mais ca prend trois jours ! Ensuite je congèle le bouillon par portions. Ca vaut le coup, le gout est plus complexe et profond.

Good bye Marc 
Depuis le mois de décembre, UPPC étudie l’Evangile selon Marc. Les sermons ont suivi les chapitres de l’évangile, nous avions des études bibliques le mercredi soir pour aller plus loin. 
Chaque semaine j’étais chargée d’écrire quelques paragraphes sur le chapitre où nous arrivions, suivis de questions. Incroyables comme ces quelques paragraphes ont pu demander de lectures, brouillons, et ratures… et c’est aussi devenu une joie – le moment où enfin je sentais que j’avais trouve un angle, une perspective nouvelle, qui devenait un texte tangible, écrit, terminé, inclus dans le bulletin.

Mais le voyage est sur le point de se conclure : la série se termine à Pâques. Soulagée et un peu triste, je viens de finir mon dernier texte, sur le chapitre 16 de l’évangile. Marc, dans sa version la plus ancienne, nous laisse avec les femmes bouleversées de leur rencontre avec l’ange de la résurrection. 

Nous entrons dans la Semaine Sainte. A suivre… 



Friday, March 20, 2015

L’ADN est de retour

En janvier, Irvin et moi avons commandé une recherche de nos origines respectives par analyse de notre ADN. Comme je lui ai dit en riant quand nous avons envoyé les deux petits paquets à Ancestry.com contenant un échantillon de nos salives, «si jamais ils confondent nos envois, nous n’aurons pas de mal à rétablir la vérité». Je ne peux pas avoir d’ancêtres Natifs américains. Irvin a une seule grand-mère d’origine Européenne.

J’ai appris par un email que mes résultats etaient accessibles sur le site alors qu’Irvin était encore à Louisville. Je dois avouer que je ne l’ai pas attendu – pas de romantique découverte des résultats à deux ! J’étais trop impatiente.
J’avais une idée assez claire de mes origines, mais la danse des gènes reste mystérieuses.

Voici ce que j’ai appris : je suis 64% «Jewish European», autrement Ashkénaze. Cela me rappelle mes années d’enfance où j’ai toujours senti ce lien avec le monde du judaïsme, dont je savais si peu de choses. Et plus tard, l’apprentissage de l’hébreu biblique à la fac de théologie de Paris, qui m’a passionné depuis le premier jour. Je ne suis pas une experte en génétique, donc je me demande comment ce pourcentage excède les 50% alors qu’un seul de mes parents est juif…

Et puis 19% originaire de Grande Bretagne… ? La carte montre que cela englobe le nord de la France – peut-être cet arrière-grand-père originaire de Valenciennes ?

Et 10% qui se partagent entre l’Espagne et l’Italie, ce qui englobe aussi le midi de la France, logique puisque j’ai de la famille originaire de Nice.
Des petits pourcents Scandinaves et Irlandais.

Ensuite, ça a été le tour d’Irvin d’aller à la découverte de ses gènes.

69% Natif Américain, ce n’est pas une surprise.

20% originaire de Grande Bretagne ? Le père de sa grand-mère non-Indienne était né en Norvège. Pourtant, Irvin se retrouve avec seulement 3% d’origine scandinave.  C’est en découvrant leurs ascendants loin dans les siècles passés qu’il a  découvert des ancêtres anglais et français. Selon la génétique, ils sont bien proches et présents !

5% originaire d’Asie Centrale. La trace des grandes migrations par le détroit de Behring ?

Quelques pourcents Irlandais.

Qu’est-ce qui nous pousse à connaitre notre héritage ? Cela change-t-il qui nous sommes ? Ou le regard que nous portons sur notre famille et sur nous-mêmes ?
Les mots de Linda Hogan, poète et écrivain originaire de la tribu Chickasaw, sont une forme de réponse. 
  
“Walking. I am listening to a deeper way. Suddenly all my ancestors are behind me. Be still, they say. Watch and listen. You are the result of the love of thousands.”

«En route. J’entends le chemin des profondeurs. Soudain, tous mes ancêtres me suivent. Silence, me disent-ils. Regarde et écoute. Tu proviens de l’amour de milliers.»

Saturday, March 14, 2015

Faits et méfaits du Chien Nouveau

Elle a gigoté et dormi dans le creux de mon cou, son museau sur ma clavicule, pendant les 4 heures de route nous séparant de la maison.

Elle a accueilli toutes les nouveautés de son nouveau domicile avec enthousiasme, parfois en sautillant sur place avec joie.

Chaque marche est presque aussi haute qu’elle, mais en quelques jours, elle a été capable de grimper tout l’escalier avec des bonds de chèvre des montagnes. Mais elle a peur de descendre.


Elle vénère Sitka, la suit partout et cherche à l’imiter. L’inverse n’est pas vrai.


Quand elle se fait rabrouer par la chienne alpha – parce qu’elle a interféré dans la routine de ses meilleurs moments, glaçons à croquer, siestes paisibles, câlins avec nous – elle s’aplatit sur le sol, en totale soumission adorante. 

Puis, sans aucune intuition, elle se précipite à nouveau sur Sitka, cherche à l’inciter à jouer, mordille ses oreilles…. Jusqu'à l’algarade suivante.

Elle aime être dans nos bras, se blottit, elle est chaude et douce. Elle est câline mais le moment arrive toujours où elle mordille tout ce qui se trouve à sa portée, phalange, oreille, lèvre… Je ne crois qu’elle ait tout a fait saisi le fait qu’en tant que chiot, elle a des dents aigües comme des aiguilles.

Elle me rappelle Tashina mais elles sont bien différentes. Denali a un museau plus long et n’a pas la timidité de notre toute première chienne.

Elle pleure, longuement et avec expression, si elle nous perd de vue. Sitka déteste l’entendre et cherche à mettre le plus de distance possible avec elle dans ces cas là.

Elle m’a réveillée à 4h30 du matin en début de semaine parce qu’elle avait envie de jouer. Juste la nuit où j’avais terminé de rédiger une délicate introduction au chapitre 13 de l’évangile de Marc (chapitre dit apocalyptique) à 1h30 et devais me lever à 6h30 pour une longue journée de meetings.

Elle nous suit pas à pas de si près qu’il nous arrive de nous lancer dans une brève improvisation chorégraphique un peu saccadée mais non dénuée de grace lorsque nous voulons éviter de lui marcher dessus sans pour autant chuter.

Elle a le galop joyeux d’un poulain, surtout quand elle est en train d’accomplir une action d’éclat, par exemple, laisser se dérouler un rouleau de papier toilette dans son sillage après en avoir attrapé une extremité lors d’une incursion commando dans la salle de bains. 

En d’autres termes, nous avons la situation complètement en main. 


Saturday, March 7, 2015

La compagnie des volcans

De l’etat de Washington à celui d’Oregon, la route que nous avons faite hier, l’autoroute I-5 (que l’on peut emprunter jusqu'à la Californie) est un peu monotone… Mais les volcans offrent une bonne dose de diversité. 

On part du Mont Rainier, notre voisin. J’ai l’impression de connaitre chaque détail de la face qui nous est offerte lors des trajets du quotidien. Je note le passage des saisons à l’abondance de la neige qui ne disparait jamais complètement de son sommet.



Quand on roule vers le sud, on distingue St Helen rapidement. Son cratère évasé rappelle qu’il y  a quelques courtes dizaines d’années, en 1980, son éruption a créé un désastre dans toute la région.


Et quand on arrive en Oregon, c’est Mt Hood et son sommet pointu qui se laisse voir.



Ces volcans, qui font partie de la chaine des Cascades, sont disséminés du Canada au nord de la Californie. 


Le plus dangereux, disent les scientifiques, est sans doute notre voisin Rainier. D’abord parce qu’il est situé si près de Seattle et de Tacoma. Ensuite parce que ses glaciers, en fondant lors d’une éruption or du simple jaillissement d’une source chaude créeraient un lahar meurtrier, une boue épaisse comme du ciment.

Nous vivons à l’ombre du volcan. 
Et même si les autorités publiques conseillent à chacun d’avoir un plan d’urgence en cas de nécessité, c’est difficile de ne pas voir en cette montagne si familière autre chose qu’une vue à couper le souffle destinée à rester pour toujours inchangée. 

Emergence de l'ère Denali

Finalement le jour est venu. Jeudi soir, Irvin était à peine revenu de Louisville où il a failli rester bloqué a cause d’une tempête de neige approchante. Hier vendredi matin, nous roulions vers l’Oregon. Près de Salem, nous avons fait connaissance de Sally, dont la jolie petite chienne a eu une portée fin décembre. Et nous avons rencontré Denali dont nous avions juste vu des photos jusqu'à présent.


Le fait de la sentir dans mes bras, son museau contre mon cou, a déclenché une de ces tempêtes chimiques dans mon cerveau – ocytocines ? J’ai senti un tel bonheur que, tandis que j’embrassais son museau,  j’aurais pu m’imaginer flotter dans l’azur aussi légère qu’une bulle de savon. Sally nous montrait differents papiers à signer – je n’ai jamais aussi distraite et avec une interlocutrice moins honnête, et l’absence d’un mari à mes cotés, j’aurais bien été capable de signer dans la foulée une reconnaissance de dette d’un million de dollars voire une commande ferme pour une dizaine de dobermans livrables dans la semaine…

Cela fait presque 10 ans que nous n’avons pas eu de chiot à la maison et ce qui nous a surpris le plus… c’est à quel point elle est petite. Malgré son tempérament joyeux et plein d’entrain, la voir si menue m’angoisse, une émotion que j’avais aussi ressentie avec nos chiennes précédentes puis oublié. Elle est si vulnérable… j’ai hâte de la voir grandir.

Et dans le même temps, c’est vrai, partager un moment avec un petit animal tout chaud qui se recroqueville dans votre cou et s’endort, le museau posé sur votre clavicule gauche, c’est une expérience intemporelle  que je veux prendre le temps d’apprécier pleinement.