Saturday, December 29, 2012

La mort est douce


«La mort est la dernière étape sur la route de la liberté». Ce sont les paroles du pasteur et théologien Dietrich Bonhoeffer dont je viens de lire la biographie. C’est ce qu’il a dit à ses amis de prison lorsqu’il a été emmené pour son exécution, deux semaines avant l’arrivée des alliés. Il faisait partie du complot contre Hitler. 

Dans un sermon écrit plusieurs années plus tôt, il parle de la mort, offrant une perspective que l’on entend rarement.

«Quiconque croit en Dieu, quiconque entend parler du royaume du Ressuscité, ne peut ensuite qu’éprouver de la nostalgie, et attendre avec impatience d'être délivré de son existence corporelle. Que nous soyons jeunes ou vieux, cela ne fait pas de différence. Que sont 20, 30 ou 50 ans aux yeux de Dieu? Et qui d'entre nous peut savoir s'il est proche, ou non, de cette destination?

La vie commence seulement quand elle finit sur terre. Ici, c'est seulement le prologue avant que le rideau ne se lève. Que l'on soit jeune ou vieux. Qu'est-ce qui nous fait si peur quand nous pensons a la mort?

La mort est effrayante seulement pour ceux qui vivent dans sa crainte. La mort n'est ni féroce ni terrible. Si  nous pouvons etre immobiles et nous cramponner à la parole de Dieu, la mort n'est pas amère, a moins que nous ne soyons devenus amers nous-mêmes.

La mort est grâce, le plus beau cadeau que Dieu puisse donner à son peuple. La mort est douce. La mort est légère et réconfortante. Elle nous donne

un pouvoir céleste seulement si nous réalisons que c'est le chemin qui mène vers notre maison, le tabernacle de notre joie, l'eternel royaume de paix. 

Qu'est-ce qui nous fait croire que mourir est effrayant? Comment le savons-nous, sinon par l'angoisse humaine qui nous fait frémir en présence de l'évènement le plus céleste, le plus béni qui soit au monde? La mort est enfer, nuit et froidure si elle n'est pas transformée par notre foi. Mais c'est justement ca, qui est si merveilleux - que nous puissions transformer la mort.» 


Tuesday, December 25, 2012

Arbre de Noël 2012


Au fil des années, Irvin a accumulé une collection impressionnante de décorations de Noël. Une petite armée de sapins serait nécessaire pour la déployer. 
Cette année, il a décoré un petit sapin de ses dernières trouvailles : des ornements acquis au centre culturel d’Albuquerque, au Nouveau Mexique, donc influences par les tribus de la région, Hopi, Zuni, Navajos… 






et bien sur, nous en avons ajouté quelques autres, que nous avons depuis quelques années, qui célèbrent nos petites compagnes du quotidien. Joyeux Noël à tous !

 

Friday, December 14, 2012

Dear Sugar et le bateau fantôme

Parfois je pense à certains choix de ma vie, et ce que serait mon quotidien si, par exemple, je n’avais pas décidé, alors que j’étais étudiante à la faculté de theologie de Paris, de passer ma quatrième année aux Etats Unis, ou si, quelques années plus tôt,  j’étais restée au Barreau de Pontoise ou au Conseil de l’Ordre des médecins du Val d’Oise… 

Les lignes écrites par Dear Sugar me sont allées droit au cœur. Les conseils de Sugar (l’ecrivain Cheryl Strayed) qui paraissent dans le magazine digital Rumpus, et dont un recueil vient d’etre publié, ne ressemblent à aucun autre : des paroles lumineuses, le partage en langage souvent cru d’expériences personnelles, et en définitive des lignes pertinentes et pleines de sagesse…  

En réponse à un lecteur qui se demande s’il est prêt à devenir père, Sugar mentionne un poème écrit par le Suédois Tomas Tranströmer. «J’y pense chaque fois que je réfléchis à une question de ce genre, qui appelle un choix irrévocable… Chaque vie, écrit Tranströmer, a un bateau jumeau qui emprunte une toute autre route que celle que nous finissions par suivre. Il ne peut en être autrement. Les personnes que nous aurions pu être ont une vie différente, une vie fantôme, qui n’est pas la notre…» 

Sugar mentionne ses propres choix et conclut «Je ne connaitrais jamais, et vous non plus, la vie que finalement nous n’aurons pas choisie. Nous savons seulement que notre vie jumelle  est importante et belle  mais n’est pas notre vie. C’était le bateau jumeau sur lequel nous n’avons pas embarqué. Tout ce que nous pouvons faire, c’est le saluer du port… »


Wednesday, December 5, 2012

Appréhension et Esprit Saint


Comment va se passer cette journée? Qui vais-je rencontrer ? Un patient va-t-il mourir ? Lequel ? Vais-je être à la hauteur ? Quand je roule vers la «Hospice house», ces questions tournent dans mon esprit ; les premiers jours, elles étaient semblables à des abeilles contrariées, rapides et sans répit. Apres trois mois, les abeilles se sont amadouées, c’est l’hiver, elles vont d’un point à l’autre, transies et apaisées. 
Autrement dit, je suis plus calme. L’appréhension est toujours là, mais juste un motif dans le paysage et non plus un thème omniprésent. Je ne peux jamais prévoir les rencontres à venir, ou me préparer pour une question délicate ou une situation inattendue. La sérénité passe par l’acceptation de soi et par la confiance: je me répète que tout à l’heure, quand la question ou la situation se présentera, j’y ferai face. Et je ne serai pas seule.
Dans le gros classeur qui nous a été confié lors de l’orientation, j’ai trouvé une prière pour les moments qui précèdent une visite. Cette prière a été écrite par le chapelain Ray Kelleher. En voici la traduction : 

«Quelque chose d’important va se produire. Je pénètre dans un lieu sacré. Je vais rencontrer, incarné dans un etre humain vulnérable, le bien-aimé de Dieu. Je serai réceptif. Je ne sais pas d’avance les mots à dire, les pensées à méditer, ou quelles actions seront nécessaires, donc je fais confiance au Saint Esprit, qui me guidera de l’intérieur. Dans cet esprit de confiance, j’ouvre la porte, prêt à offrir ce qu’il y a de plus authentique et de meilleur en moi, dans le temps qui m’est imparti».

C’est la seule façon d’agir. Et je remarque, quand je me demande vers quelle chambre me diriger, ou à quelle personne parler, que bien souvent, je me trouve au bon endroit juste quand il le faut. J’aperçois une épouse en larmes au détour d’un couloir, et peut lui proposer la conversation dont elle a besoin dans la petite chapelle. Je m’assois avec un proche au chevet de sa femme et il réalise avec un cri que celle-ci vient de mourir. Plus tard, il me dira «heureusement que je n’étais pas seul…»

Je propose une couverture chaude à un patient dont je perçois la tristesse. Son cancer est hors de contrôle, et à tout moment, ce vieux monsieur émacié peut tomber et se casser. Il voudrait rentrer chez lui. Sa femme et les médecins peinent à lui expliquer que ce n’est pas possible. Il est assis dans un fauteuil dans la demi-obscurité – il refuse de s’aliter – et il n’arrive pas à se réchauffer. Il accueille la couverture, qui a été chauffée dans un four spécial, avec soulagement. Il n’aime pas parler de religions ou de ses émotions. J’arrange la couverture sur ses genoux et je pose mes mains sur les siennes, si froides. Nous passons ainsi de longues minutes, sans parler.
Il est le bien-aimé de Dieu.