Saturday, February 25, 2017

Des excuses sur le toit du monde


« Il fait -25 en ce moment. Couvrez-vous entièrement après l’atterrissage de l’avion. Vous sortirez de l’avion à l’air libre – pas de coursives. Couvrez votre visage, vos mains ».
Irvin a suivi ces recommandations quand il est arrivé à Utqiagvik (Alaska), aussi appelé Barrow le 8 février. Le soleil avait seulement commencé à réapparaitre quelques heures par jour après plusieurs semaines de nuit continue.





Une célébration avait lieu, appelée “Messenger Feast” (Kivgiq dans la langue Native Inupiaq). Cette célébration rassemble les membres de la tribu Inupiaq à un moment de l’année où beaucoup d’activités, telle la pêche, sont impossibles.














Irvin était là, rejoignant deux des plus hautes autorités de l’église presbytérienne, le « stated clerk » Jay Herbert Nelson, et son prédécesseur, Gradye Pearson. Le stated clerk est en quelque sorte l’adminstrateur en chef de l’église et aussi son porte-parole.


Tous deux sont venus apporter les excuses officielles de l’église, concrétisées par un vote lors de l’Assemblée Générale de l’église en juin dernier. Ces excuses étaient accompagnées de la dénonciation de la « doctrine of discovery ». 

Ce concept, reconnu par la Cour Suprême en 1823, affirmait que les nations Chrétiennes européennes assument désormais « ultimate dominion » sur les terres ‘découvertes’ ; il en résultait que les Indiens avait perdu leurs droits à vivre en souveraineté, en tant que nations indépendantes. Il leur restait juste un droit d’occupation de leurs terres.

Les églises se sont partagées entre elles les territoires où envoyer leurs missionnaires. Malgré de bonnes intentions pour la plupart d’entre eux, l’état d’esprit de l’époque était fondé sur l’idée de la « Manifest Destiny », Dieu offrant cette terre ‘vierge’ aux européens pour qu’ils la fassent fructifier. Si les Natifs étaient exterminés dans ce processus, c’était la volonté divine. 

La “Manifest destiny”, représentée ici sous les traits d’une femme blanche quasi angélique, apporte le progres (le télégraphe et le train) dans son sillage tandis que les Natifs et les bisons disparaissent dans l’ombre à son approche. 


L’intention des églises était de « sauver les hommes » en sacrifiant leur culture, et c’est ainsi que des générations d’enfants Indiens ont été envoyés dans des pensionnats où ils ont été dépouillés de leurs langues maternelles et de leurs traditions. J’ai eu l’occasion de parler ici de ces «stolen generations» et de ce qui en est résulté. 

Avant de partir, Jay Herbert Nelson – qui est aussi le premier stated clerk Noir de l’église presbytérienne, et un orateur impressionnant, a parlé de ces excuses comme d’une première étape pour une église qui a conscience plus que jamais de la richesse de sa diversité. "Nous ne sommes pas venus seulement pour nous excuser. Nous sommes venus pour construire une nouvelle relation plus forte qu'avant."


Ces presbytériens de l’extrême nord se sentent souvent isolés – géographiquement ils le sont. Nelson les a encouragés à se souvenir de la présence divine, toujours à nos côtés, et au cœur d’un moment historique dominé par la peur, de garder confiance en Dieu. Une ovation lui a répondu. 


(Pictures prises par Irvin et par Randy Hobson, photographe de la PC(USA).

Wednesday, February 15, 2017

Une casserole pour le petit déjeuner.

Attention : faux-ami. 
Si un américain vous parle de casserole, vous pensez à ceci :


Mais lui vous parle de ça: 



Une «casserole» américaine est un plat gratiné qui sort du four. Les mots traditionnellement associés à la casserole sont : «home made food», «comfort food» et «j’en ai marre de cette pluie, je veux manger quelque chose de chaud avec du fromage fondu partout».

Si des œufs sont présents dans la casserole, vous êtes en présence d’une « breakfast casserole », qui, pour nous français, peut se manger au déjeuner ou au diner.

Voilà une recette facile, généreuse et agréablement souple quant au nombre de parts. Elle est aussi très versatile.

Ingrédients :
- Pain légèrement rassis ou même carrément sec, en cubes, suffisamment pour couvrir le fond du plat que vous avez choisi d'utiliser
- Œufs (deux par personne) battus
- Un oignon coupé en petits morceaux
- Un ou deux poivrons, aussi découpés en petits cubes ou lanières – ou autres légumes de votre choix (à blanchir préalablement, le cas échéant)
- Fromage râpé

Mettre les cubes de pain dans un plat allant au four, verser les œufs battus par-dessus. Laisser macérer un petit moment, surtout si le pain est sec. Ajouter les oignons, les poivrons, le fromage râpé, enfourner a four moyen pour 30 a 45 minutes selon la taille du plat, jusqu'à ce que la lame d’un couteau ressorte sèche, tandis que le fromage est doré.



Bon appétit !

Et si vous avez besoin d’une casserole aux USA, demandez une «saucepan». 

Wednesday, February 8, 2017

1 pied et 2 pouces de neige

Nous n’avons pas de neige chaque année. Nous avons passé plusieurs hivers sans un flocon, juste de la pluie, beaucoup de pluie… c’est la spécialité de la région, et les habitants ne détestent pas en rire.



Mais dimanche, nous sommes rentrés de l’aéroport en provenance d’Arizona et au fur et à mesure que nous approchions de la colline où se trouve notre maison, les gouttes de pluie se transformaient en flocons. La perturbation avait été annoncée. 14 pouces de neige sont tombés par chez nous, c'est-à-dire un peu plus d’un pied (= 12 pouces). C’est l’équivalent d’un peu plus de 35 cm.

Nos chiens, encore en pension, nous manquaient. Après avoir pelleté la neige devant le garage, nous sommes allés les chercher le lendemain matin. Les routes étaient dégagées, le plus difficile, c’était de sortir de notre impasse pour les atteindre. Mais quelle joie de retrouver nos bêtes sauvages…



J’aime le bonhomme de neige construit par nos petites voisines, particulièrement le mouvement des bras, qui semble tout à la fois accablé et fataliste.

C’est un peu ce que je ressens alors que je reprends le travail. La pasteure avec laquelle je travaille a donné sa démission. Elle sera partie dans 6 semaines. Elle veut « planter » (c’est le terme ici) c'est-à-dire créer une nouvelle congrégation avec une autre jeune femme pasteure. Toutes deux sont mères d'enfants en bas age. Elles veulent être les pasteures de jeunes familles qui ne vont pas à l’église. 

Et moi… en ce début d’année, j’ai des espoirs qui semblent si lents à se matérialiser. L’attente, oui, même si on garde espoir, ça prend parfois la forme de ce mouvement de bras. 



Sunday, February 5, 2017

La rivière qui n’existait (presque) plus

La Gila River [1]était une bénédiction - « Our lifeblood » - pour les Pimas, une tribu Native au sud de Phoenix, qui vivaient de la terre. C’est pourquoi une des deux communautés Natives de cette tribu, celle à laquelle Irvin appartient, a choisi de s’appeler « Gila River Indian Community » (voir "Gila River, le peuple de la riviere")

Mais les barrages construits à la fin du 19eme siècle ont asséché la rivière. Elle demeure l’ombre d’elle-même aujourd’hui encore, un lit sec sauf en cas de pluies violentes, où les inondations la ramènent brièvement à la vie. 

Lorsqu’un hôtel Sheraton s’est construit sur la réserve, il y a une quinzaine d’années, ils ont choisi de s’intégrer à leur environnement. 


Des objets d’art Natifs décorent les lieux. Au lieu d’une musique d’ambiance, c’est une mélodie jouée à la flute indienne que l’on entend dès que l’on arrive. Et une réplique de la Gila river, une rivière artificielle de 4 km de long, a été conçue. De nombreux oiseaux, aigles, faucons, mais aussi colibris, cailles, hirondelles, nichent aux alentours.




C’est là que nous avons logé à la fin de notre semaine en Arizona, grâce aux discounts que reçoivent les membres de la tribu.

Nous avons visité un haut lieu de gastronomie Native : la maison du Fry Bread !


Le fry bread, une spécialité Native dont j’ai déjà parlé, se déguste en support de haricots rouges, viande hachée, tomates, feuilles de laitue et fromage râpé. 



Et le labyrinthe, symbole de la tribu, est incontournable.


Nous avons connu quelques jours de printemps en Arizona et en avons profité pleinement. Ce matin, nous sommes rentrés chez nous. L’hiver nous attendait.

Hier soir, à Phoenix

Ce soir à Puyallup





[1] se prononce ‘ila, le G est muet

Friday, February 3, 2017

Dire, au lieu de lire

Les sermons sont conçus dans le bureau du pasteur et naissent dans le sanctuaire, au moment du culte. C’est ce que nous dit Jerry Larson, instructeur de notre « workshop » de trois jours à Carefree, (Arizona).

Auteur du livre « Speaking the World Freely », Jerry explique sa méthode pour aider les pasteurs à « parler librement » au lieu de lire leur sermon. La méthode est simple : d’abord, écrire son sermon – une première étape que la plupart des pasteurs américains suivent de toute façon depuis leurs années d’études de théologie.

Ensuite, la veille ou le matin du culte, placez-vous en situation. C’est le moment de la répétition. Il s’agit, non pas de mémoriser le sermon, mais de le dire à plusieurs reprises, soulignant les mots importants dans son manuscrit, de façon à ce qu’il devienne si présent dans l’esprit du prédicateur que celui-ci pourra le raconter aux paroissiens, au lieu de lire les pages devant lui.

C’est un peu un saut dans le vide que de se détacher de ses notes à ce point, surtout quand on s'exprime dans une langue etrangère. Avoir une méthode est rassurant. Chacun des participants (nous étions neuf) ont travaillé avec Jerry sur un sermon qu’ils avaient préparé pour un culte prochain, et ont ensuite « dit » leur sermon devant le groupe. Une bonne expérience.

Les séries américaines, si populaires, ont des équipes de « writers » - au moins 10 personnes – pour 20 ou 30 minutes de show par semaine, a souligné Jerry. Les pasteurs préparent leurs sermons tout seul, tout au long de l’année. Et ils sont censés retenir toute l’attention des paroissiens, être profonds, imagés, inspirants mais avec des moments d’humour… « Vous ne trouvez ces exigences dans aucune autre profession ».


Jerry a insisté pour que nous applaudissions chacun de nos camarades. « Vous ne serez jamais applaudi au cours de votre vie professionnelle. Sauf ici, juste pour cette fois » Même si j’ai trouvé sympathique d’applaudir les uns et les autres – brillants pour la plupart – je ne suis pas sûre que ce soit indispensable. Après tout, lors du culte, l’audience ultime, ce ne sont pas les paroissiens. L’audience, c’est Dieu ! 

Thursday, February 2, 2017

Carefree, Arizona

Première nuit à Phoenix, avant d’aller rejoindre le « retreat center » de Carefree, Arizona. Carefree est une petite ville fondée au milieu des années 50 dont le nom signifie « sans souci » mais sans le vouloir, je m’obstine à l’appeler Careless, ce qui donne un sens tout diffèrent. ( « sans gêne »)
Nous avons passé la nuit dans un des hôtels très confortables qui sont la propriété de la tribu d’Irvin, et avons donc bénéficié d’un large discount. Merci GRIC ! L’hôtel s’appelle Wild Horse Pass, en l’honneur de quelques hordes de chevaux sauvages qui vivent toujours dans le désert. Et en voici le hall.



Et le "wall of fame".

Et en fin de matinée, nous nous sommes mis en route pour Carefree.
Le « retreat center » s’appelle Spirit of the Desert », mais se trouve presque en centre-ville ! Ce genre d'endroit est en général isolé mais ici, les constructions nouvelles l’ont rattrapé.

On y trouve un labyrinthe, créé selon le modèle de la cathédrale de Chartres au 13eme siècle. Nous l’avons parcouru.



Des statues qui donnent à réfléchir





Des cactus et des montagnes…. 



Nous sommes aussi là pour travailler sur l'art de la predication! C'est ce que nous avons fait. (A suivre) 

Wednesday, February 1, 2017

En route pour l’Arizona

Study leave : une merveilleuse interruption de quelques jours dans l’année, qui ne sont pas des vacances, mais permettent au Pasteur de partir assister à une conférence ou un atelier - ou simplement rester chez lui et lire toute la journée ces livres commandés au fur et à mesure des journées de travail, et qui n’ont pas encore été ouverts…  

Cela permet de rencontrer des collègues, d’élargir son horizon, de respirer et d’éviter le « burnout » … et quand on est un « Clergy couple », ce qui est notre cas, on peut le faire ensemble ! 

Nous avons choisi un workshop de trois jours sur l’art de la prédication dans un « retreat center » à Carefree (Arizona).
Irvin voyage beaucoup. Il était à Odessa (Texas) le weekend dernier pour participer à l’installation de son ami Buddy Mohanan, pasteur et pilier de la communauté Native Presbytérienne. 



De là-bas, il a pris l’avion lundi pour Phoenix (Arizona).

De mon côté, ce même lundi, je fermais la maison et déposais nos trois chiens à leur pension avant de prendre l’avion pour la même destination.
Je suis partie sous les nuages, typiques de notre région….


Nous avons survolé le Grand Canyon encore sous la neige, alors que le soleil commençait à se coucher…



Et je suis arrivée à Phoenix en début de soirée. Irvin m’attendait. 


L’année du Coq de Feu

Samedi dernier, 28 janvier, nous sommes passés à l’année du Coq de Feu. Selon le zodiac chinois, le temps se déroule par cycle de 12 ans, un animal étant attaché à chaque année. 

Après l’année du Singe (2016)  une succession d’évènements inattendus sont supposés avoir lieu, comme mis en scène par un animal facétieux, nous passons à l’année du Coq, où les crises seront suivies, parait-il, de résolutions rapides et pragmatiques.

Un Coq de Feu – cela m’évoque un animal pas très brillant mais fier de lui et de son plumage, mettant le feu autour de lui tel un pyromane maladroit… Ce qui me fait penser… Cela va faire deux semaines depuis l’inauguration du nouveau Président.

J’imagine d’innombrables échardes de verre brisé tout autour de la Maison Blanche, symbolisant l’espoir vain de tous ceux qui n’ont pas voté pour lui mais ont pensé que la solennité du lieu, le poids de l’histoire, le sens d’une cause plus large que sa personne – tout cela contribuerait à transformer un démagogue centré sur lui-même en homme d’état décidé à dépasser ses limitations pour contribuer à l’histoire de son pays. Oui, j’étais l’un d’entre eux.

Mais ce n’est pas le cas. Au contraire, il nous est donné de voir avec une fascination horrifiée les pires aspects du candidat renforcés par le pouvoir qu’il vient de recevoir. L’autoritarisme s’installe et veut fonctionner comme seule source de pouvoir, jusqu'à imposer une vision souhaitée de la réalité, contredite par les faits, mais qui exige d’être la seule acceptable.

Ceci dit, les institutions américaines et ses contre-pouvoirs sont en place, au service de citoyens inquiets et prêts comme jamais à s’impliquer, s’informer, appeler leurs représentants, manifester. Et leur insistance donne des résultats !

2017 devrait être une « année intéressante » selon les termes de la malédiction bien connue, en attendant l’année du Chien de Terre (2018) où conscience, moralité et sens du partage sont censés prévaloir.



Cela ne me surprend pas. Je sais qu’on peut toujours compter sur un chien pour améliorer nos conditions de vie.