Saturday, January 24, 2009

Paroles Natives

De jeudi à dimanche dernier, Irvin a donc animé une classe intensive à Phoenix dont le sujet était «Christianisme et culture Native Américaine», au cours duquel le documentaire «Our Spirits don’t Speak English» a été montré. (voir message du 19 janvier)

Une trentaine d’étudiants, pour la plupart Natifs, ont assisté à ce cours et ont pris la parole pour parler de leur histoire et la façon dont ils vivent leur foi. Voici une sélection de leurs paroles, saisies au vol.

Patricia White Horse (Lakota-Sioux) : Mes parents ont été envoyés en «boarding schools». Ils ne s’en sont pas plaints, mais ils nous ont envoyés dans les écoles publiques – jamais des pensionnats. Mes frères et sœurs et moi-même avons tous des diplômes et de bons postes. Mais mes parents, qui parlent tous deux Lakota, ne nous ont jamais appris la langue. Ils pensent que ca n’a pas d’intérêt.

Dawn Helton (de la tribu Ojibwa, du Minnesota) : mon père est allé en «boarding school». Nous savons qu’il a été traumatisé là bas, mais il n’a jamais raconté ce qu’il a vécu. Il a toujours insisté pour que nous restions tous ensemble, autour de lui.

J’ai épousé un militaire et j’ai beaucoup voyagé, mais je faisais en sorte de retourner voir mon père regulierement. Mon mari disait que je passais plus de temps avec ma famille qu’avec lui ! Mon père est mort d’un cancer. Quand le diagnostic est tombé, mes trois sœurs et moi avons pris nos enfants et nous avons vécu avec lui les deux dernières années de sa vie. Avant de mourir, il a organisé l’emplacement de nos tombes : autour de la sienne.

J’étais déjà adulte quand je suis devenue chrétienne – notre église avait peu de paroissiens, mais quand nous avons commencé à faire une large place à la culture Native, notre église s’est beaucoup développée. J’étais le pasteur à l’époque – mais quand je suis partie pour le séminaire de Dubuque, tout est redevenu comme avant.

Il faut connaitre et comprendre les traditions. Il y a des choses qu’il ne faut pas mélanger. Par exemple, introduire un tambour (large tambour de pow-wow, qui est battu par les chanteurs installés à sa circonférence) dans l’eglise, même pour une bénédiction, est impensable. Ce tambour est traditionnellement considéré comme le cœur battant de la communauté. Le tambour dans l’église, ce serait une insulte tant pour les chrétiens que pour les «traditionalistes» (ceux qui suivent la religion Native traditionnelle).

Rev. Mary Jane Mills (Nez Perce): Ma grand mère est allée à Carlisle, et elle m’a raconté des histoires affreuses de ce qui s’y passait. Mais elle était fière d’y être allée et d’avoir surmonté cette épreuve. Elle a envoyé ma mère en pension en Californie – ça lui a plu. Elle dit y avoir beaucoup appris.

J’ai passé 40 ans de ma vie à lutter contre l’alcoolisme – 40 ans, comme les Hébreux dans le désert. Un soir, c’est comme si le rideau du temple s’était fendu en deux. Je suis devenue une nouvelle personne. Je ne regrette pas de m’etre infligée ces années de tourment, car ça me permet de mieux comprendre ceux qui traversent cette souffrance.
Mon fils est mort d’un cancer en novembre dernier. Il a été élevé par son père dans la religion traditionnelle des «seven drums». Ses amis venaient le voir les derniers temps, ils lui parlaient du parcours de la vie. Je les laissais faire, mais après leur départ, je bénissais les pièces ou ils etaient allés, et je priais, je priais beaucoup pour que mon fils accepte le fils de Dieu, pour qu’il soit sauvé.

J’ai beaucoup de reconnaissance pour les missionnaires qui nous ont apporté la bonne nouvelle. Spalding (un des premiers missionnaires venu en terre Nez Perce) était connu pour fouetter ses élèves. Ca se faisait à l’époque. Les missionnaires étaient durs, mais ils étaient humains et sincères. Ils faisaient de leur mieux.

Nous souvenir du passé est important, mais nous devons cesser de nous considérer perpétuellement comme des victimes. Nous devons etre honnêtes avec nous-mêmes et les uns avec les autres.
(Mary Jane est la première femme Nez Perce à devenir pasteur de l’eglise Presbytérienne. Elle a été ordonnée en 2003)

Rev. Judith Wellington (Pima/Sioux): certains Natifs m’ont dit qu’ils me haïssaient parce que je suis chrétienne. Connaitre le passé est important pour comprendre ces réactions. Je me concentre sur la guérison de ces blessures. J’ai rencontré des guérisseurs traditionnels, et eux ne m’ont jamais reproché d’etre chrétienne. Ils m’ont encouragée à être fidèle à ma foi pour le bien de la communauté.
Parler du passé est important pour cette guérison. Il ne s’agit pas de blâmer, mais de dialoguer. Pour cicatriser, il est indispensable de partager, d’exposer les blessures. Nous devons permettre à chacun de s’exprimer.
Mon père n’a pas voulu m’apprendre sa langue. Mais depuis peu, j’ai remarqué que si je la parle devant lui, il me corrige.
Ralph Scisson, (Dakota) : Je n’ai pas gardé de trop mauvais souvenirs de boarding schools. Mes parents voulaient que j’aie une éducation. J’ai beaucoup appris, mais j’ai regretté que ma culture ne soit jamais mentionnée. Un prêtre épiscopalien m’a dit un jour «La bible n’appartient à personne. Jésus nous dit de le suivre. C’est une invitation pour toutes les races de la terre.»
Heureusement qu’il m’a dit ça, parce que j’avais entendu avant que la Bible n’était pas pour les Indiens.

J’ai travaillé au quartier général de l’église presbytérienne qui se trouvait alors à New York[1]. Quand les deux églises presbytériennes, du Nord et du Sud, se sont réunies et que nous avons quitté New York pour Louisville, j’ai été chargée du sermon du dernier culte qui s’est tenu dans nos locaux. Le titre de mon sermon était « approcher la table de communion». Pour certains, c’est facile d’approcher la table de communion, pour d’autres, c’est un long voyage…

Laura (Apache) : je suis allée en « boarding school » dans les années 70. Tout ce que j’ai appris sur ma culture, c’est la bas que je l’ai appris.

Evangeline Garcia (Navajo/Laguna) : j’ai passé plusieurs années dans un pensionnat au Nouveau Mexique, tenu par des Pentecôtistes, ils etaient très stricts. Nous ne devions pas porter de bijoux, ni parler autre chose que l’anglais. Les garçons et les filles etaient séparés, même s’ils etaient frères et sœurs. Quand nous retournions chez nous le week end, nous étions souvent punis à notre retour. Ils nous disaient « vous avez péché la bas, vous n’irez pas au Ciel.» Quand j’ai changé d’école, j’avais l’impression d’etre au paradis ! J’avais le droit de parler Navajo, d’écouter de la musique, j’étais libre…

Avant aujourd’hui, je n’avais rencontré personne de ma génération qui avait connu ce genre de chose, tout le monde me regardait comme si j’inventais. [Irvin a connu une expérience très similaire pendant 3 ans en Arizona].

J’ai mis des années à aller à l’eglise. Je ne supportais pas, ca me rappelait trop ce que j’avais vécu au Nouveau Mexique. Et puis un jour ma fille voulait voir comment c’était, je l’ai emmenée à l’eglise presbytérienne de mon quartier. J’y suis retournée. C’est la que j’ai été baptisée. Maintenant je suis une Elder.

Rev. Cecil Corbett (Nez Perce, Choctaw) : quand j’étudiais pour devenir pasteur à Dubuque, dans les années 60, j’étais découragé par tous ces théologiens européens. Je me demandais ou était la contribution des Natifs Américains ?
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Les participants ont apprécié de pouvoir s’exprimer et partager leurs témoignages. Ils ont décidé de créer un blog pour poursuivre ce dialogue.

J'ai inséré un album de photos de cette classe, qui s'est deroulée au Franciscan Renewal Center de Scottsdale sur ma page Facebook. Avec un peu de chance, vous devriez pouvoir le voir en cliquant sur ce lien :http://www.facebook.com/p.php?i=1501033201&k=Z3DZXVR2P3ZGUCFGXCXXU3S

[1] Voir “Louisville et les Presbytériens” en novembre 2008

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