Friday, July 31, 2009

L’an dernier, Lawrence Porter, 1921-2008

Cela se passait fin juillet 2008, dans une maison de retraite située sur la réserve Pima, au sud de Phoenix, en Arizona. Vers 23h, l’infirmière est venue vérifier le pouls et la tension de Lawrence (Larry) Porter, mon beau-père, comme elle le faisait plusieurs fois par nuit pour tous les résidents.

Il s’est réveillé et a lancé, comme une boutade: «Qu’est-ce que vous fabriquez ?». Elle a feint de s’insurger, «comment ça, qu’est-ce que je fabrique ?», puis elle lui a demandé comment cette phrase se disait en Pima. Larry a répondu «Amas Mas». Quand elle est revenue le voir vers 4h du matin, il était mort.

Dans la chaleur intense d’Arizona, toute la famille s’est retrouvée quelques jours plus tard dans la petite eglise presbytérienne de Sacaton. Le soleil venait de se lever. Pour que la chaleur reste supportable, le service a eu lieu à 6 heures du matin.

Larry a été enterré avec les objets dont il se servait chaque jour : autour de son cou, retenant un lien en cuir, le «bolo tie» en argent et turquoise créé par sa femme Minnie. La casquette que nous avions ramenée de Troyes, et dont il ne se séparait jamais. Selon la tradition Native, une petite valise contenant ses affaires, vêtements, photos et objets aimés, a été ensevelie pres de son cercueil.

Des prières ont été dites, des cantiques traduits en Pima ont été chantés, puis les hommes de la famille ont empoigné des pelles et ont comblé la fosse. Cela a pris deux heures, les uns et les autres se relayant tandis que nous les ravitaillions d’eau fraiche.

Finalement, la tombe a pris l’aspect qu’elle a aujourd’hui, un monticule de sable blanc entouré de grosses pierres.

Un mémorial est prévu – il a lieu en général un an plus tard – au cours duquel la pierre tombale sera inaugurée. Ce mémorial comprend aussi un grand repas et la remise traditionnelle de cadeaux à tous ceux qui ont aidé la famille lors du décès et ont participé aux obsèques. Ce mémorial aura lieu l’été prochain pour permettre à la famille d’économiser ses ressources. La crise économique est passée par là !

Je me souviens avoir marché au bras de Larry, sous la même chaleur écrasante en aout 2001, sur la réserve Apache de San Carlos, à l’enterrement de Minnie. Larry avait trébuché sur le sentier caillouteux, typique des déserts d’Arizona, et j’avais pris son bras. Je sais qu’il m’aimait bien, il m’appelait sa fille, il était heureux que son plus jeune fils se soit marié, enfin à 40 ans, le mois précédent. Selon la tradition Apache, un mat était planté à la tête de nombreuses tombes, donnant une impression irréelle de port de pêche à ce cimetière en plein désert.

Larry était le cadet de dix enfants. Elevé dans l’eglise presbytérienne très présente au sein des Pimas, il est devenu pasteur à 23 ans. Son premier poste pastoral l’a conduit en Idaho, en terre Nez Perce, autre bastion Presbytérien.

C’est là qu’il a rencontré Eloïse, ma belle-mère. Ils ont eu huit enfants. En 1964, ils ont divorcé et en application des lois en vigueur en Utah ou ils vivaient alors, le juge lui a attribué la garde des enfants.

Larry s’est retrouvé père célibataire de deux filles et six garçons de 14 ans à 18 mois. Il a emmené tout le monde en Arizona où sa nombreuse famille l’a aidé. C’est ainsi qu’Irvin, né en Idaho, a grandi à Phoenix.

Quelques années plus tard, Larry a rencontré Minnie, elle-même veuve de pasteur, et s’est remarié.

Irvin et ses frères et sœurs, ont des souvenirs contrastés de Minnie et de son influence sur leur père. Un peu submergée par la présence de tant d’enfants à la maison, elle a insisté pour qu’ils soient envoyés en pension autant que possible. Si ces décisions ont été à l’origine d’années difficiles, ils n’en ont jamais voulu à leur père.

«Il avait l’autorité parentale, m’a dit un jour Irvin, et il pouvait prendre toutes les décisions qu’il voulait. Il aurait pu nous abandonner à des cousins, il aurait pu nous confier à la DDASS. Il nous a élevés du mieux qu’il pouvait, nous emmenant camper pendant ses vacances, se privant de nourriture quand il n’y avait pas assez pour tout le monde.»

Chaque fois que nous entendons parler d’enfants difficiles ou insolents, Irvin commente "ça ne se serait jamais passé comme ça avec mon père…"
Sur la photo, ci-dessus, Irvin est au premier rang à gauche.

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