“Les Blancs font de grands feux et se tiennent à
distance… Les Indiens font des petits feux et s’assoient tout près des
flammes”….
Nous avons ri. C’est le mari (Blanc) d’une des tantes
d’Irvin qui venait de parler. Nous étions près du feu, justement, nous
rapprochant insensiblement de la chaleur au fur et à mesure que le froid
devenait perceptible dans la nuit.
Cela se passait lors du dernier weekend de juin, aux
abords d’une grande prairie, au sommet d’une colline : Talmaks, en Idaho.
Le camp meeting des Nez Perces presbytériens se tient en cet endroit chaque année
pendant deux semaines, de la fin juin à la mi-juillet. Les paroissiens des six églises
presbytériennes de la réserve Nez Perce s’y retrouvent avec leur famille.
Cette tradition, dont j’ai eu l’occasion de parler ici,
est plus que centenaire. Irvin se souvient de ses grands-parents, toujours présents.
C’était leurs vacances. Et sa grand-mère, issue d’une famille Norvégienne,
racontait avoir vu, enfant, les Nez Perces, à pied ou à cheval, monter vers
Talmaks. C’était au début du siècle. « Je ne me doutais pas qu’un jour, je
serais des leurs ».
Tipis et
camping-cars
Des tipis côtoient les camping-cars, les tentes et les
« cabins », des petites maisons rudimentaires. Les familles se
retrouvent, les cousins jouent ensemble. Chaque jour, des études bibliques, un
culte (deux le weekend), des activités pour les enfants ont lieu.
Irvin est
invite à prêcher chaque année. Cette fois ci, je l’étais aussi et dimanche nous
étions de service, lui le matin, moi le soir.
Nous avons passé quatre jours à Talmaks, arrivant
vendredi et repartant lundi en fin de journée. Le ciel de la nuit est toujours
remarquable. Le nombre d’étoiles visibles me donne le tournis, moi qui suis habituée
à vivre dans des villes trop éclairées. Parfois on aperçoit aussi la voie lactée.
Les journées sont souvent d’une chaleur étouffante. On s’assoit sur des chaises
pliantes et on cherche l’ombre. J’ai beaucoup lu tandis qu’Irvin bavardait avec
les membres de sa famille. Ma belle-mère, qui est morte en 2005, était l’ainée
de 10 enfants. Elle avait 6 sœurs. Plusieurs des tantes étaient là, avec leur
propre famille.
Retrouvailles
douces amères
Après le culte samedi, j’ai vu un étrange personnage
s’avancer dans notre direction. Un homme très pale, chauve sous sa casquette,
avec une seule jambe, marchant avec des béquilles. Il me sourit – il n’avait
pas de dents. Puis il m’appela par mon prénom, se réjouit de notre arrivée. Visiblement, nous nous connaissions, mais qui
était-il ? Je me suis avancée vers lui pour donner une « hug »,
ces embrassades typiquement américaines. « So
good to see you! » a-t-il commenté. J’ai répondu « So good to see you
too ! » avant d’ajouter intérieurement « whoever you are… »
Plus tard, j’ai interrogé Irvin. « C’est Peter… »
Cela m’a paru impossible. Peter est un
des cousins d’Irvin, plus jeune que nous. Un ancien professionnel de rodéo dans
cet état, l’Idaho, où c’est un mode de vie et une passion. Il a pris sa retraite
tôt, comme beaucoup, avec un dos qui avait souffert. Et dans les années qui ont
suivi, il a bu et s’est drogué. Il est devenu diabétique et ne s’est pas soigné.
Il a perdu ses cheveux, ses dents et une de ses jambes.
« Il m’a appelé au téléphone plusieurs fois ces
derniers temps, a dit Irvin avec tristesse et une certaine colère. Il dit qu’il
veut reconstruire sa vie… Mais ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il continue à
boire… »
Quand j’ai prêché dimanche soir, je sentais la fatigue
des uns et des autres. L’après-midi avait été chaude, il était tard.
J’avais préparé
un sermon de plus de 30 minutes (un minimum à Talmaks) sur la confrontation
entre David et Goliath, et ce que l’attitude de David peut nous apprendre,
quand nous affrontons les « Goliaths » de notre vie. Je sentais les
regards et l’attention flotter… mais Peter, les yeux fixés sur moi, écoutait.
Les invités éventuels
La veille de notre retour, un de nos amis, un pasteur
Choctaw, invité avec sa famille pour diriger les activités des enfants, avait
fait un feu près de notre petite « cabin ». Ils nous parlaient de
leur voyage – une route de plusieurs jours en provenance du Kansas ou ils
vivent.
Je les écoutais mais mon esprit de citadine était aussi
assailli de pensées soudaines. Et si une souris se glissait dans notre
abri ? Elles étaient très nombreuses cette année. Ou ces araignées que
j’avais déjà aperçues… et ces grosses fourmis…
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