A midi, vendredi de la semaine dernière, j’étais vêtue de
ma robe noire de pasteur, qui me rappelle un peu la robe d’avocat de ma vie antérieure
– si ce n’est l’absence de l’épitoge herminée et du rabat blanc.
L’église épiscopale St Andrews avait convié toutes les églises
du voisinage à participer à un culte en commun en ce vendredi Saint. Je représentais
UPPC et j’étais chargée d’une des trois prédications de 5 minutes chacune. Mon
texte : Pierre sur la plage avec Jésus, autrement dit la fin de l’évangile
de Jean (chapitre 21, versets 15 à 19).
Ce qui me frappe avec Pierre, c’est à quel point nous lui
ressemblons. Il est un peu le porte-parole des disciples, le premier à parler,
pour le meilleur et pour le pire. Ça lui vaut des bons points, comme lorsqu’il
a l’audace d’annoncer, le tout premier, que Jésus est le Messie. Jésus le déclare
« pierre fondatrice » de l’église[1].
Mais quelques minutes plus tard, Jésus lui ordonne de
dégager (en substance…) et l’appelle Satan. Peter venait de lui dire de se
taire, de ne plus faire de prédictions morbides[2].
Si nous sommes chrétiens, nous n’avons pas d’hésitation à dire que Jésus est le
Messie. Mais cela ne nous empêche pas de penser souvent que nous savons mieux
que lui !
Mais Pierre ne faisait pas que parler. Quand il a dit à Jésus
qu’il donnerait sa vie pour lui, ce n’était pas des mots en l’air[3].
Au moment de son arrestation, Pierre sortit son épée, et sans l’intervention de
Jésus, il aurait été le premier à mourir dans la bataille rangée qui allait
suivre[4].
Les soldats étaient nombreux et armés.
Pierre sur la plage avec Jésus, après le partage d’un
petit déjeuner de poisson grillé, c’est un texte qui je lis en tension avec celui
où Pierre renie Jésus (Evangile de Jean, chapitre 18, v. 12 à 18).
Dans ce dernier, la nuit, la cour de la maison du grand-prêtre,
l’obscurité, le froid. Un feu où Pierre tente de se réchauffer. Isolé et
questionné par des inconnus sur ses liens avec Jésus, il prétend ne pas être un
de ses disciples, ni même le connaitre. Trois dénégations.
Dans le chapitre 21, le matin, un espace ouvert : la
plage. La lumière et la chaleur du soleil levant. Un feu qui grille des
poissons. Pierre, entouré de ses condisciples, questionné par
Jésus sur ses sentiments. Pierre affirme son attachement pour lui. Trois déclarations
d’amour.
Pour tous les moments d’angoisse, d’incertitude, de peur,
les questionnements angoissés que nous traversons, ces deux textes semblent
nous rappeler qu’il y aura plus tard une réconciliation, une deuxième chance
dans le soleil d’une nouvelle journée à peine commencée.
Autre leçon : c’est de l’amour que nous portons à
Dieu que nous tirons l’énergie de vivre notre ministère, quel qu’il soit. Après
chacune des proclamations de Pierre, Jésus lui donne mission de prendre soin du
troupeau. Ce qui nous permet d’agir, c’est cet amour. Non un sens du devoir,
notre culpabilité, l’impression que nous gagnons notre paradis, mais la
reconnaissance de l’amour reçu et donné.
Etre berger est une tâche ardue. Au Moyen Orient, cela
voulait dire guider des bêtes sur des chemins escarpés, trouver les rares pâturages,
les quelques points d’eau, éviter ou combattre les prédateurs et les voleurs. Jésus
rappelle que le berger, le vrai berger, est prêt à donner sa vie pour son
troupeau. Pierre, devenu « pécheur d’hommes », le sait bien.
Mais quoi qu’il advienne, ces textes nous guident vers
cette perspective : un jour nous nous retrouverons sur cette plage
caillouteuse à l’aube, dans la plénitude des expériences vécues et passées,
certaines inspirantes, d’autres douloureuses, et nous partagerons le poisson
grillé par Jésus.
[1]
Matthieu, 16:18
[2]
Matthieu 16:23
[3]
Jean 13:37
[4]
Jean 18:10
Photo de Galilee par Jeroen Van Der Biezen http://saltandlighttv.org/blogfeed/getpost.php?id=52407&language=en
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