Tuesday, April 4, 2017

La laisser partir


A la party donnée la semaine dernière pour honorer Taeler, la jeune femme Pasteure avec laquelle je travaillais à UPPC et qui a décidé de quitter ses fonctions, je suis arrivée juste à temps pour les discours – l’habituel mélange d’humour et de propos admiratifs – et j’ai pris quelques photos. Dès les derniers mots prononcés, alors que les uns et les autres se levaient pour bavarder et se servir de mets végétariens (Taeler est végétarienne) je me suis éclipsée.


Sur le chemin de la sortie, j’ai croisé une amie, pasteure à la retraite, et nous avons marché ensemble vers nos voitures. Nous sommes toutes les deux introverties, et nous avons ri de nous retrouver les premières à quitter l’assemblée ! Mais j’ai ajouté, parce que je la connais bien, que j’étais triste du départ de Taeler. Elle a paru surprise. « Elle va rester dans la région, vous pourrez vous voir… » Ce qui est vrai. Taeler quitte UPPC pour avoir plus de temps avec sa petite fille de 3 ans et se lancer dans l’aventure d’une « church planting », créer une communauté croyante originale allant aux devants de jeunes familles qui ne vont pas à l’église.

C’est un projet audacieux et inventif, et comme tous mes collègues, je suis ravie… pour elle. Tous ces adieux – à la congrégation, au staff, à son équipe… m’ont pesé d’une façon qui m’a surpris moi-même. Je fais bonne figure mais je me traine. Je sais bien que, dans mon esprit, je dois la laisser partir.

Flash-back. Taeler, son mari Tim, Irvin et moi autour d’une « mean tortilla soup » (dixit Taeler) à leur arrivée dans notre région  - une soupe épicée délicieuse. Elle et moi dans un magasin de perruques, lors de ma chimio. Plus tard, mon traitement fini et ma formation de chaplain terminée, je cherche un poste d’aumônier, en vain. Un soir, je tombe sur cette annonce sur le site web du Presbytery. UPPC cherche un director of spiritual formation pour 6 mois. Alors je postule et je suis engagée. Je commence en décembre 2013.


Taeler et Tim attendent la naissance imminente de leur petite fille, téléphone portable à la main jour et nuit. La mère biologique, avec laquelle ils se sont lies d’amitié, doit les prévenir dès les premiers signes d’accouchement. Je suis là pour assurer l’intérim pendant le congé maternité. Le bébé est dans leurs bras avant Noel.

Quelques semaines plus tard, Taeler vient présenter son bébé à la congrégation. Après la fin du deuxième service, je la vois traverser la rue avec son mari, la petite fille et des cadeaux dans les bras. Ils sont pressés et un peu encombrés mais on sent leur plénitude.

Ensuite, UPPC me demande de rester au-delà des 6 mois prévus et je travaille avec Taeler. Elle pourrait être ma fille (avec un petit effort en termes de précocité) et pasteur comme moi, mais la voilà mon ‘superviser’. Je n’adore pas… mais il faut bien admettre qu’elle en sait plus que moi sur les églises de la taille de UPPC. Ses capacités à dénouer des conflits latents avec calme et simplicité sont indéniables.

De fait, nous nous voyons peu – nous travaillons sur des choses différentes – si ce n’est dans des meetings et lors de deux réunions de supervision par mois. Et l’amitié est un peu entre parenthèses ; les relations de travail sont chaleureuses mais ça va de soi dans notre contexte professionnel.
Pourtant son départ me désole.

Alors, c’est le moment de regarder la situation en face. Tristesse, tu as été entendue. Merci de me faire prendre conscience des émotions complexes que je ressens à voir partir Taeler vers de nouvelles aventures. Maintenant, je vais passer à autre chose : invoquer d’autres sentiments, curiosité, spontanéité, désir de nouveauté.

La tristesse est attractive d'une façon douce et mystérieuse. Puis il vient un moment, on sourit et on sait. Il faut la laisser partir. 


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