Dayenu ou דַּיֵּנוּ
: "Il aurait suffi – it would have
been enough …” est un chant
traditionnel de Passover (la Pâque juive) au moment ou sont rappelés tous les
miracles que Dieu a accomplis pour libérer son peuple d’Egypte. Une seule de ces
choses aurait suffi, dit le chant. Day signifie "suffisamment" ou "enough" et le suffixe –enu « pour nous ».
A chaque étape, on célèbre
pleinement ce mouvement vers la liberté, suffisant en lui-même. Et ensuite, on poursuit
sa route vers la lumière.
Les bénédictions
et chants de Passover sont devenus familiers grace à notre famille de Seattle,
qui nous invite pour Passover chaque année. Grace à eux, l’Exode et la gratitude
du peuple libéré font partie de la trame de mes années américaines.
Cette année, tout
en remerciant Dieu de sa fidélité qui ne faiblit pas, ma tante Diane nous a guidés
dans une réflexion sur les refugiés d’aujourd’hui, dont le parcours de
souffrance et d’espoir évoque celui du peuple juif.
Et l’occasion aussi,
avec mon oncle, de parler de notre famille. J’avais 16 ans quand son père -mon
grand père - est mort. J’ai gardé le souvenir d’une présence affectueuse et
lointaine, un homme toujours élégant et semblait-il perdu dans ses pensées. Cet
été, mon oncle et moi avons traduit ensemble le récit de sa traversée des Pyrénées
pendant la guerre.
Mes grands parents peu apres leur mariage, au debut des annees 30 |
En 1939, mon grand-père Edgar était
ingénieur et père de famille. Et aussi un grand jeune homme dégingandé qui
marchait avec une canne après s’etre fait renverser par une voiture des années
plus tôt. Ma grand mère et ses deux fils cachés dans une ferme à la campagne,
il travaillait à Marseille et pressentait, à juste titre, qu’il risquait d’etre
arrêté.
Avec quelques
autres camarades d’équipée, tous aussi peu habitués au camping et au plein air que
lui, suivant un guide taciturne, ils ont réussi à passer la frontière avec l’Espagne
après plusieurs jours de marche épuisants dans les Pyrénées, avant de se faire arrêter
sur une petite route pres de Barcelone.
L’aspect citadin
et de bon ton de leur groupe les servit. Les autorités espagnoles, intriguées
par ce groupe élégant, les ont traités avec égard. Mon grand-père a prétendu être anglais. Ses amis sont devenus américains
ou canadiens. S’ils admettaient leur nationalité, ils savaient qu’ils seraient expulsés
vers la France. Et finalement, on les a autorisés à rejoindre Gibraltar, d’où
ils ont pris un bateau pour l’Angleterre.
Mon grand-père espérait
rejoindre de Gaulle. Mais on n’a pas voulu de lui sur le terrain, trop
maigre et avec sa jambe qui le ralentissait. Il s’est retrouvé dans les bureaux
de Londres pendant la durée de la guerre.
Dayenu ! La
joie de célébrer Passover nous aurait
suffi. Mais je suis aussi repartie avec le sens d’un réconfort venu du passé,
de ses liens si anciens qu’ils semblaient disparus. La vie les traverse et on réalise
leur importance. Ils forment la matière de ce que nous sommes.
Derniere photo de Dirk Dreyer, provenant du blog de Zack Rogrow http://www.dimeshowreview.com/dayenu-by-zack-rogow/
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