Nous étions une
douzaine de femmes de tous âges, réunies autour d’une jeune coiffeuse dynamique
et souriante, pour un atelier intitulé «Look good, feel better» du nom de l’association
qui soutient les femmes atteintes de cancer. Elle était la bénévolement pour
nous donner des conseils de maquillage et pour nous aider à remédier au problème
cheveux. Une adolescente venue avec sa mère
et sa sœur (lymphome non-Hodgkin) voisinait une sexagénaire coiffée d’un
chapeau en feutre rouge qui lui tombait sur les yeux, a coté d’une jeune femme
qui venait de se faire opérer du poumon.
Nous nous sommes présentées, chacune
donnant son prénom et son type de cancer. Melissa, la bénévole, nous a distribué
des trousses pleines de produits de maquillage provenant de dons a l’association.
Parmi les «trucs» utiles, elle nous a montré comment dessiner des sourcils
qui ont l’air naturel – il arrive que les sourcils disparaissent comme les
cheveux sous la tempête de la chimio. Comment nouer une moitié de T-shirt en
turban. Le T-shirt se lave plus facilement qu’un foulard. Et l’adresse d’une
boutique de perruques bien achalandée et beaucoup moins chère que les autres –
dans un quartier «chaud» de Lakewood, ne pas y aller a la nuit tombée a-t-elle précisé.
Elle y a trouvé elle-même une longue perruque rose en vue d’un concert de lady
Gaga - pour $75. C’est donné pour une perruque.
J’ai aussi beaucoup
appris en écoutant mes voisines. Une révélation m’attendait : «Quand les
cheveux tombent, a dit l’une d’elle, c’est douloureux.» Je tombais des nues. La
douleur morale de perdre sa chevelure me paraissait amplement suffisante !
Plusieurs participantes ont approuvé. «C’est une sensation affreuse», a ajouté
ma voisine (tumeur au cerveau), encore pourvue d’épais cheveux gris. «Vous
savez quand vous étiez petite fille et que quelqu’un tirait votre queue de
cheval ? C’est comme ça,
constamment. Comme si on vous tirait les cheveux.» La dame au feutre rouge
secouait la tête, incrédule – elle n’avait pas expérimenté ça.
Une autre
participante avait un cancer ovarien, stage 4. J’ai frémis – le stage 4 a plané
au-dessus de mon diagnostic pendant quelques jours… Je n’étais pas la seule à être impressionnée – nous savions toutes
que le stage 4 est le plus grave. Mais elle a balayé nos craintes. «J’ai été diagnostiquée stage 4 il y a dix
ans. Il ne faut pas avoir peur des chiffres et des statistiques. Ils ne veulent
rien dire… chacun est différent. J’ai été en rémission pendant des années. Bon,
le cancer est revenu, je ne sais pas trop pourquoi. » Ce qu’elle savait,
en revanche, c’est pourquoi, quand les cheveux repoussent, ils ont une texture différente
et souvent sont bouclés. «La chimio donne un effet ‘permanente’ sur le
crane. Mais après un certain temps, ca passe, et on retrouve ses cheveux
habituels.»
Sur youtube,
j’avais entendu les conseils d’une patiente – une actrice je crois. C’est son
conseil que j’ai suivi en allant me faire couper les cheveux très courts, presque ras, après la première chimio. Elle a perdu ses cheveux le jour annoncé,
c'est-à-dire deux semaines jour pour jour après le début de la chimio. Elle se
trouvait dans un hôtel quand c’est arrivé. «J’étais soulagée de ne pas avoir à
faire le ménage avec tous ces cheveux, même courts, je me sentais submergée !»
Elle conseille de suivre son exemple et d’aller dans un hôtel, sans se rendre compte de l’étrangeté d’aller
dans un hôtel pres de chez soi pour attendre la chute de ses cheveux. Les miens
n’ont pas été si ponctuels. Le jour dit, je m’attendais à me réveiller le crane
étincelant et glabre. Mais non, mes cheveux courts etaient toujours là. Ils
disparaissent au fil des jours, petit à petit, mais je ne les vois nulle part.
Ni sur mon oreiller, si sur mes foulards, ni sur mes épaules, ni sur la
moquette, nulle part. Disparaissent-ils dans le néant ?
J’ai visité la
boutique à perruques avec une amie pasteure. J’ai acheté trois perruques, deux
longues et une courte. Aucune n’est rose – pour le moment. Le printemps
approche et mon bonnet à oreilles d’ours est devenu un peu chaud. Je joue aussi
avec des foulards.
Hier, je marchais avec Irvin dans une grande surface, et un tiraillement
étrange ne cessait de m’agacer du coté de la nuque. Un tiraillement… comme si
quelqu’un me tirait les cheveux. Et j’ai réalisé…. Elles avaient raison, mes
camarades. Ça y
est, le moment est venu. C’est la chute finale.
Quelle énergie ! Et cet humour ! Je t'embrasse fort, Irvin aussi. Big hug !
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