A l’issue du
premier “round” de chimio, j’attendais le verdict : et il fut bon. Mes globules
blancs n’avaient pas été décimés. La cancérologue m’a fait promettre prudence, précautions
et lavages de mains fréquents. Mais elle m’a donné le feu vert.
J’ai pu
emprunter le chemin des écoliers – ou des aumôniers en l’occurrence. Autrement
dit : à nouveau visiter les patients de l’Hospice house. J’étais soulagée
– et «appréhensive» comme on dit ici. J’avais passé un peu plus de trois
semaines en congés forcés. Avec la chimio, mes perceptions corporelles les plus
basiques n’etaient plus tout à fait les mêmes. Je me demandais si mon mental
serait lui aussi altéré.
Quand je suis arrivée
le premier soir – en ce mois de mars, je travaille de 18h à 22h – je me sentais
aussi vulnérable et démunie que lors de mon premier jour en septembre. J’ai pensé
au verset de la Bible, tiré du livre de l’Exode (33 :14) où le Seigneur
promet à Moise «Je marcherai à tes cotés
et je te donnerai du repos».
Ce premier soir,
tandis que je parlais à Felicia*, au chevet de sa mère qui allait s’éteindre
la nuit suivante, et qu’elle me racontait leur vie, je songeais que sans le savoir
elle m’offrait non seulement sa confiance mais aussi l’opportunité de me sentir
à nouveau aumônier. Elle me permettait de traverser avec elle ces moments
essentiels et douloureux, plein de souvenirs joyeux et de tristesse.
Ses fils sont allés chercher des pizzas que
nous avons mangées tous ensemble. Nous avons parlé de France et d’Allemagne où
la famille avait vécu quelques années, de la maladie grave qui avait failli
emporter Felicia l’an dernier, et du cancer du sein qui avait eu raison de sa
tante ; j’ai mentionné ma chimio, Felicia me posant alors mille questions précises
qu’elle n’avait peut-être jamais ose demandées à l’époque à sa parente.
Lorsque
nous nous sommes séparées avec une «hug»
(étreinte à l’américaine) Felicia m’a regardée avec chaleur et compassion. Je n’étais
plus seulement l’aumônier de l’hospice house à ses yeux, mais une sœur qui
naviguait tout comme elle au milieu des tempêtes.
*pas son vrai
nom
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