Courage et suicide. Deux mots qui sont rarement associés. Au contraire, on
entend parfois des commentaires, quand un suicide a eu lieu, sur « la lâcheté »
du disparu et de la peine qu’il cause à sa famille.
Les familles, les survivants de suicides et ceux qui
travaillent avec au plus près avec les personnes atteintes de dépression ont
une opinion différente.
Ils parlent de lutte de tous les instants, de la
certitude qui grandit que l’on va en fait rendre service au monde et à sa
famille en les débarrassant de sa personne, de souffrances dont personne ne soupçonne
l’intensité. Récemment, je lisais qu’un mouvement se faisait dans le pays pour
ne plus dire que quelqu’un « commet un suicide » mais « meurt de
suicide » (commit suicide – die of suicide) car ce n’est pas tant la
personne qui agit que le suicide qui s’empare d’elle.
En tout état de cause, j’ai été frappée par ce poster, vu
sur facebook, et que j’ai mis sur ma page il y a quelques temps. En voici la
traduction.
Je suis un thérapeute
et j’ai mis ce poster dans ma salle d’attente. Apparemment, il a sauvé quelques
vies.
Je n’aime pas les mots « Un appel à l’aide ».
Je n’aime pas la façon dont ca sonne. Quand quelqu’un me dit : « Je
pense au suicide. Je sais comment faire. J’ai juste besoin d’une raison de ne
pas le faire », la dernière chose que je vois, c’est l’impuissance.
Je pense alors : la dépression t’a dévoré depuis des
années, elle t’a appelé moche, stupide, et lamentable, et raté, depuis si
longtemps que tu as oublié que ce n’était pas vrai. Tu ne vois plus aucune chose positive en toi et tu n’as aucun espoir.
Mais pourtant, te voilà : tu es venu me voir, tu as
frappé à ma porte et tu as dit « Hé ! Rester en vie est vraiment
difficile en ce moment ! Donne-moi juste quelque chose pour me battre !
Ca m’est égal si c’est un bâton ! Donne-moi un bâton et je peux rester en
vie ! »
Qu’est-ce qu’il y a d’impuissant la dedans ? Je
trouve que c’est incroyable ! Tu es comme un commando, coincé depuis des années
en terre ennemie, on t’a pris ton arme, tu n’as plus de munitions, tu es mal
nourri , et tu as probablement attrapé un de ces virus de la jungle qui te
fait voir des hallucinations d’araignées géantes.
Et tu continues à avancer et à dire « DONNE MOI UN BATON ! JE NE VAIS PAS MOURIR ICI ! »
« Un appel à l’aide », ca donne l’impression
que je suis censé avoir pitié de toi, mais tu n’as aucun besoin de pitié. Ce n’est
pas pitoyable. C’est la volonté de survivre. C’est comme ça que les humains ont vécu suffisamment longtemps pour
devenir l’espèce dominante.
Sans aucun espoir, sans aucune énergie, tu es prêt a
traverser cent kilomètres de jungle hostile avec rien qu’un bâton, si c’est ce
qu’il faut faire pour te mettre a l’abri.
Tout ce que je fais, c’est donner des bâtons.
C’est toi qui fais en sorte de
rester en vie.