Arthur Franck, qui la cite dans son livre «The Wounded
Storyteller»(1) ajoute une zone d’ombre entre
ces deux territoires, une zone où vivent les patients en rémission, un lieu où la santé
et la maladie se côtoient intimement.
La rémission est
mon territoire. Je ne peux pas affirmer que je suis ‘guérie’, même si aux dernières
nouvelles, le cancer a disparu de mon organisme. C’est comme si les cellules
malignes avaient la clef – elles peuvent revenir à tout moment.
«A partir de maintenant, où que vous alliez,
vous devez avoir un cancérologue, m’avait prévenu la spécialiste qui m’a suivie.
Pour le reste de votre vie.»
Et je suis
toujours sous traitement. Comme mon cancer était «hormone sensitive», je prends
des médicaments qui baissent le taux d’œstrogène au maximum.
Des mois après la fin de la chimio et des
rayons, de nouveaux effets secondaires se sont montrés discrètement. Mes cheveux
ont repoussé mais mes sourcils ont quasiment disparu. L’occasion, devant un
miroir, de réfléchir à l’apparence des extra-terrestres dans les films de SF.
Avez-vous remarqué qu’ils n’ont jamais de sourcils ?
Mes mains ont des
manifestations de neuropathie, un fourmillement et une raideur dans les doigts,
plus ou moins accentués selon les moments. Mon bras gauche enfle à cause des
ganglions manquants. «Vous devez porter une manche compressante», m’a dit la kiné,
une specialiste des phénomènes lymphatiques. «Tout le temps ?» ai-je
demandé, un peu alarmée. «Non, seulement quand vous êtes éveillée.»
Rien ne vaut d’avoir séjourné dans le royaume des malades pour connaitre la valeur de ne plus en être citoyen.
[1] Arthur W. Frank, the Wounded Storyteller, Body Illness and Ethics, the University of Chicago Press: Chicago and London, 1995,
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