J’ai rencontré
Alison pendant un de mes stages d’aumônier à l’hôpital. Nous sommes restées en
contact de façon épisodique, proches de par ce que nous avions vécu en commun,
mais occupées par ailleurs par des vies très différentes.
Récemment, Alison
m’a prévenue qu’un hôpital voisin cherchait un chapelain. Elle allait envoyer
sa candidature – étais-je intéressée moi aussi ? J’ai apprécié son esprit
de partage ; après tout, si j’envoyais mon CV moi aussi, nous serions en compétition.
Mais j’ai décliné, puisque je me plais à UPPC, cette grande église à University
Place, près de Tacoma.
Alison m’a contactée
à nouveau après avoir envoyé sa candidature. Elle était préoccupée.
«Ils m’ont envoyé
ce lien qui m’a conduit vers un test, m’a-t-elle dit. Il y avait au moins 50
questions, toutes des problèmes de logique, comme ceux que l’on devait résoudre
à l’école. Tu sais, Jane habite dans la ville A, Bob vit a B, et John habite
pres de chez Jane, quelle est la distance entre John et Bob… Je n’en revenais
pas. Aucune de ces questions n’avaient de lien avec le soutien pastoral ou même
les relations humaines !»
Alison était inquiète.
Elle avait été prise de court par le test (qui lui a pris une bonne heure) et à
peu près sure qu’elle n’avait pas bien réussi. Elle se demandait comment cela
influencerait sa candidature.
J’ai tenté de la
rassurer. Son dossier était bon, avec des appréciations très positives et sa référence
était un chapelain renommé de notre région.
Elle m’a appelée
à nouveau il y a quelques jours, tard dans la soirée, dans tous ses états.
«Je viens de
recevoir un email des Relations Humaines, m’a-t-elle appris. Ma candidature a
été rejetée. Et ils m’ont demandé de ne pas postuler pour d’autres postes de chapelains
pendant une année.»
J’étais stupéfaite.
Je lui ai même demandé de me lire l’email, je pensais qu’elle avait peut-être
mal compris. Une candidature qui n’aboutit pas, c’est une chose, mais une
interdiction d’un an ? Pourquoi ? De qui cela venait-il ? Un chapelain
avait-il lu son dossier? Qui avait décidé que son CV et son expérience etaient
si pitoyables qu’elle devait etre mise à l’écart pendant un an?
Alison me dit
qu’elle s’était sentie humiliée en lisant ce message. Elle n’a rien dit à son
mari, dans la même pièce, et lui aussi penché sur son ordinateur portable. Elle
s’est éclipsée dans la salle de bains et s’est mise à pleurer.
« Nulle »
«C’est le mot qui me revenait à l’esprit, m’a-t-elle dit. Que j’étais
nulle. Qu’ils s’étaient débarrassés de moi pendant un an parce que j’étais si
nulle.» Elle est restée silencieuse quelques instants. «Et puis je
t’ai appelée.»
Je me sentais
impuissante et en colère. Je n’avais jamais entendu parler d’un tel feedback
après une candidature.
«Je crois
que j’ai besoin d’en avoir le cœur net, a dit Alison avec un soupir. Je sais bien
que je ne suis pas nulle. Simplement je ne comprends pas une telle volonté
d’humilier des candidats. Je me demande si ça vient de ce test …»
Oui, ça venait du test. Alison a appris que les
Ressources Humaines de cet hôpital avaient mis au point ce «test d’aptitude» un
mois auparavant. A peu près la moitié des postulants ne l’avait pas réussi – sans
doute, là aussi, dû à leur
incrédulité. Leur candidature avait alors été rejetée d’emblée, avec un email
leur interdisant de se porter candidat à nouveau pendant un an.
«J’ai entendu dire que le département de Pastoral care était en
discussion avec les Ressources Humaines pour changer ce système, puisqu’il ne
mesure en rien ce dont les aumôniers ont besoin… m’a appris Alison. Mais ce
sera trop tard pour moi.»
Heureusement, ça n’a pas été le cas. Une annonce pour un autre poste de
chapelain, dans le même hôpital, a été publiée.
Alison s’est vu proposer la possibilité de faire appel de l’interdiction de
postuler. L’appel a été reçu, elle a envoyé son CV et elle espère etre convoquée
pour une interview.
Elle m’a permis de partager son expérience, du moment que
je changeais son nom.
On rencontre toujours des situations insolites quand on est chapelain. Celle-là
est difficile à égaler.
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