Une de nos
paroissiennes, au milieu d’une chimio pour venir a bout d’une tumeur au poumon,
me confiait récemment : «Je suis de plus en plus fatiguée. Ça m’inquiète…»
J'ai souri. «C’est normal. Les effets de la chimio s’accumulent d’une fois sur
l’autre. Je me trainais littéralement lors de mes trois derniers rounds.»
Cela avait été ma
découverte, en avril – tout devenait plus difficile à
faire, comme si j’évoluais
sur une planète dotée d’une gravité plus forte.
L’assistante de la cancérologue
a confirmé ce simple fait. «Oui, la fatigue s’accumule. Vous vous anémiez d’avantage… »
Elle réfléchit un instant. «Peut-être que quatre chimios suffisent… » Je n’ai
pas hésité. «Non, je veux faire les six. Je ne veux surtout pas de raccourci.
Je veux faire tout le traitement. Je veux mettre tous les atouts de mon coté… Je
visite des patients qui meurent de leur cancer tous les jours à l’hospice house.»
Elle n’a pas insisté.
Le rythme des
chimios est devenu prévisible. Le jour même, j’aimais bien me détendre dans le
fauteuil confortable de la grande salle où des infirmières s’occupaient de mes
perfusions et de celles de mes pairs. Je cherchais toujours le même gros pouf à
roulette, que j’installais devant mon siège, près d’une prise – idéal pour installer
l’ordinateur portable - et je me promenais quelques heures sur facebook et
internet entre deux siestes.
Le soir, mon
corps, telle une maison hantée, était traversé d’étranges courants d’air frais.
Le lendemain, piqure pour booster mes globules blancs. Deux jours plus tard,
douleurs sourdes dans les os et impression de grippe, suivi du soulagement de
se sentir mieux dès le lendemain. Quelques jours de vie quasi normale. Puis une
chape de fatigue les jours précédant la chimio suivante.
A la mi-juin, a l’issue
du dernier cycle, j’espérais ressentir un contraste net – puisque j’en avais
fini. En vain. Je guettais mon image dans le miroir et quinze jours plus tard,
j’ai enfin aperçu ce que j’espérais y voir : une ombre le long de mon
crane. Mes cheveux avaient recommencé à pousser. Le printemps faisait sa percée
dans mon calendrier personnel.
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