ANNE-CECILE NEWS - Ce blog retrace mon quotidien, celui d'une française vivant aux USA dans une communauté Native américaine. Irvin, mon mari est issu de tribus d'Arizona et d'Idaho, il est aussi le pasteur de la Church of the Indian Fellowship, une petite église située sur la réserve des Indiens Puyallup, au sud de Seattle, au pied du volcan Mt Rainer. J’ai été ordonnée Pasteur à mon tour en novembre 2014.
Thursday, August 18, 2011
Les gardes se suivent et ne se ressemblent pas
Il avait raison, mon ‘supervisor’. Les gardes qui ont suivi n’ont jamais été aussi dramatiques et stressantes que cette toute première nuit. Une nuit, j’ai été appelée pour soutenir une famille dont la tante s’éteignait doucement.
«Sa fenêtre sur le monde diminue…» commenta l’infirmier quand je l’interrogeai à mi-voix sur l’état de la patiente. Pourtant, elle traversa la nuit sans expirer tandis qu’un code bleu se déclenchait dans un autre service et qu’une patiente atteinte d’un cancer ne pouvait etre ranimée.
Au milieu du petit groupe d’infirmières et techniciens qui se forment autour de la chambre lors de ces moments de crise, je recevais des regards suspicieux. Mon badge indiquait seulement que j’étais une «volunteer» (bénévole) et visiblement ils se demandaient si un voyeurisme morbide m’avait fait venir. «I am a chaplain intern – on call tonight», expliquais-je, et aussitôt, l’attitude de mes interlocuteurs changea. «oh, tant mieux… justement le mari arrive… il ne sait pas encore que sa femme est morte. Pouvez-vous l’accueillir, patienter avec lui, le temps que nous la rendions un peu plus presentable ?»
Plus tard, la même nuit, une dame de 91 ans s’est éteinte auprès de sa fille et de son gendre. Tandis que nous attentions l’arrivée des techniciens de l’Université de Washington (la patiente avait fait don de son corps a la science) sa fille me parla de sa mère, venue vivre avec elle quelques mois plus tôt. «Même à 91 ans, c’est trop tôt, soupira-t-elle. Il y a tant de choses que je n’ai pas faites avec elle. Cet été, je voulais l’emmener passer la journée au bord du Pacifique. Elle était encore vaillante la semaine dernière… C’était une si bonne mère… Mes parents ont divorcé quand j’étais petite. Elle a toujours fait en sorte que nous ayons de bonnes relations avec mon père. Elle nous disait, à mon frère et à moi, ‘mes différends avec votre père, ça ne regarde que lui et moi.’»
Elle est repartie deux heures plus tard, soutenue par son mari, et je lui ai dit en la serrant dans mes bras – ces fameuses ‘hugs’ américaines – «Je n’ai pas connu votre mère, mais je ne l’oublierai pas».
Toutes les urgences de nuit n’etaient pas toujours aussi intenses. Un soir, arrivée au chevet d’un patient dans le coma, je me trouvai en présence de sa fille, une petite fiole d’huile dans la main. «Je voudrais que vous baptisiez mon père», m’expliqua-t-elle. «Moi, je suis Catholique. Mon père n’appartient à aucune eglise. Je ne veux pas qu’il ne meure sans etre baptisé. J’ai peur qu’il se perde… Je sais qu’il croit en Dieu...»
Mais sa requête s’est heurté au refus de sa mère et de sa sœur, elles aussi non pratiquantes, qui ne voulaient pas d’un baptême a l’insu du malade. «Il doit choisir lui-même, on ne doit pas le lui imposer quand il n’est pas conscient.» Elle s’est inclinée. J’ai proposé un moment de prière commune avant de les quitter.
Le lendemain, je suis retournée dans la chambre de ce patient, espérant revoir cette femme pour parler avec elle de sa crainte que son père ne soit perdu sans baptême. Elle n’était pas là, mais j’eus la bonne surprise de voir le patient, sorti de son coma, assis dans un fauteuil près du lit, s’entretenant avec les infirmières.
En début de soirée, la dernière semaine de mon stage, j’ai été appelée au chevet d’un patient déprimé qui me parla avec chagrin de la détresse des militaires revenant d’Afghanistan et qui n’arrivent pas à se réinsérer dans la vie civile. «Quand vous vous sentez déprimé, qu’est-ce qui contribue à vous aider ?» ai-je demandé. Il a hésité un instant. «Dans ces cas la, je sais que c’est Satan qui m’attaque. Donc je le combats. Avec ma Bible.»
Le dernier code bleu de mon stage eut lieu en pleine journée. Un patient qui avait eu un malaise pendant sa dialyse et put etre ranimé rapidement. Soulagée et emplie de peur rétrospective, sa fille sortit dans le couloir pour sangloter. Je la suivis, me présentai et lui demandai si je pouvais lui donner une ‘hug’. Elle me dépassait d’une tête et pleura sur mon épaule pendant plusieurs minutes avant de se ressaisir et de me considérer.
“ You are a chaplain?”
“I am. A chaplain intern.”
“You are the prettiest chaplain I have ever seen.”
Les gardes se suivent et ne se ressemblent pas…
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