La semaine de Pâques,
aussi appelée Semaine sainte, est un moment central dans la vie d’une paroisse.
Et chaque année, la question se pose : comment représenter au mieux les dernières
heures de la vie du Christ, comment rester fidèle au message biblique, sans se répéter,
année après année et tomber dans une routine ? Comment célébrer ces événements anciens tout en les
rendant actuels et pertinents pour les paroissiens du 21eme siècle ?
Jeudi – Sainte Cène et mains propres
Jeudi soir,
c’était ce qu’on appelle ici Maundy Thursday – du latin «mandatum» commandement,
référence au « nouveau commandement » institué par Jésus lors de ce
dernier repas et l’institution de la Sainte Cène.
Dans l’évangile
de Jean, on ne trouve pas ces paroles de Jésus mais à la place, Jésus lave les
pieds des disciples, à leur grande embarras – c’est la tâche des serviteurs les moins qualifiés
d’une maison. Jésus essaie de leur faire
comprendre qu’une attitude de service des uns envers les autres fait avancer le
Royaume de Dieu sur Terre.
Irvin et moi
n’avons pas passé cette soirée ensemble car CIF et UPPC avaient chacun organisé
un repas pris en commun. Un moment de liturgie a suivi, avec communion. A UPPC,
nous avons aussi prévu un lavement, non des pieds, mais des mains. C’était une
suggestion venue de mon expérience à CIF, nous avions procédé ainsi il y a
quelques années.
Le lavement des
pieds correspondait au contexte de l’époque de Jésus, où chacun cheminait sur
les chemins secs et poussiéreux du Moyen Orient, avec de simples sandales.
Dans
notre Occident, et en contexte urbain, les pieds n’ont pas besoin d’être lavés quand on arrive à destination.
En revanche, ce sont bien nos mains, instruments de notre service et symbole de
nos actions, qui ont besoin d’un bain. C’est aussi l’expression de notre désir
de transparence et de sincérité. Historiquement, on se serre la main pour
montrer qu’on ne dissimule aucune arme.
En regardant ce qui se disait sur le sujet sur
internet, j’ai eu la surprise de tomber sur une polémique sur le sujet. Les
tenants du lavage des pieds s’en prenaient violemment à ceux qui, a leurs yeux,
trahissaient les écritures. «Jésus n’a pas lavé les mains de ses
disciples ! Osons suivre son exemple au lieu de chercher à soulager l’inconfort petit-bourgeois de ceux qui ne
veulent pas quitter leurs chaussures !»
Parfois, me semble-t-il, il faut aussi savoir
oser mettre les actions dans leur contexte et non les suivre à la lettre.
Vendredi – le chemin de Croix et la célébration du
don de la liberté
Neuf stations ont
été installées dans le sanctuaire de UPPC. Chacune reprenait une étape du
parcours du Christ de ce vendredi, du jardin de Gethsémani à la croix. A chaque
station, les participants étaient invités à un moment de réflexion sur les épreuves
traversées par le Christ et sur leur propre parcours. Cela a demandé un immense
travail – en particulier pour l’équipe, dont je n’étais pas, qui a physiquement
installé les différentes étapes. Mais beaucoup de visiteurs sont venus et ont apprécié
ce voyage au cœur du Vendredi Saint.
Ce soir la,
c’était aussi Passover, la Pâques juive. Irvin et moi avons rejoint avec
plaisir notre famille de Seattle. Comme ma tante Diane l’a noté, Passover tombe
cette année en plein dans la Semaine Sainte, et un vendredi, le soir du Sabbat.
Nous avons loué ensemble Dieu le libérateur avec des prières en hébreu, ce qui
me ravit toujours, trempé le Karpas (en général du persil) dans des petits bols
d’eau salée, pour rappeler qu’au milieu des larmes, on peut déjà savourer l’espoir et le renouveau.
Nous louons le
Dieu qui nous libère et nous sommes invités à prendre conscience de la responsabilité
qui pèse sur nous : nous devons utiliser cette liberté pour libérer notre
prochain. S’il reste opprimé, nous ne sommes pas vraiment libres non plus.
J’admire la façon
dont la liturgie se marie avec le repas, et aussi comment les enfants sont appelés
a être acteurs du rituel,
et non simples spectateurs. C’est le plus jeune de la tablée qui posent les
questions rituelles, commençant par «Pourquoi
cette nuit est-elle différente des autres nuits ?» et aussi qui est chargé
de chercher l’Afikomen, une matzah (pain sans levain) cachée préalablement,
qui sera le dessert.
Du coté dessert,
justement, au-dela de la matzah, nous avons savouré les fruits du talent
extraordinaire de Emma Notkine, dont le gateau pistache-citron (sans farine
bien sur) était une véritable œuvre d’art. De la grande cuisine – et Emma a à
peine 20 ans !
Samedi – une pause (et temps de rédaction fiévreuse de sermons pour
les pasteurs)
Et comme je ne
prêchais pas, pour moi c’était une pause bienvenue.
Dimanche – Il est ressuscité
Trois services ce
matin là à UPPC, et pour ceux qui y travaillent, un parking un peu plus
lointain pour que les visiteurs puissent se garer. Une petite fille en robe
rose de conte de fées se fait baptiser, et espère que le bleu autour de son
œil, résultat d’une dispute lors d’une recréation, va disparaitre grace à l’eau
du baptême. Lors du service contemporain, un rap au milieu d’une chanson – pas
tout à fait mon genre de musique mais c’était superbe, suivi d’une ovation de
surprise et de bonheur de toute l’assemblée, composée de beaucoup de jeunes.
Et
le pasteur Aaron, qui avec le même enthousiasme, trois fois de suite a prêché
comment Dieu nous atteint au mieux quand nous sommes dans une impasse, au plus
profond du trou, dans la tombe comme Jésus.
C’était Pâques.
Et puis, le
rituel discret qui suit Pâques… le repos pour les pasteurs à court d’énergie.