L’an dernier, à
cette époque, nous étions en Idaho – une arrivée furtive pour surprendre Chris,
ma belle-sœur, qui s’apprêtait à fêter son soixantaine anniversaire et ne se
doutait pas que la famille s’était donné le mot pour venir de loin (Arizona,
Kentucky, état de Washington) afin de se joindre à la célébration. La surprise
avait été réussie.
Cette année, l’atmosphère
est bien différente. A la place des bougies, des flammes. Après deux mois de sécheresse,
la foudre a provoqué plusieurs feux de forêt. L’un de ces incendies a menacé
directement Kamiah, la petite ville sur la réserve Nez Perce d’où la famille
d’Irvin est originaire. Les rafales de vent ont transformé une situation inquiétante
en menace directe.
A partir de là,
nous avons surtout suivi la situation via facebook. La famille d’Irvin, y
compris cousins et amis, sont presque tous sur le réseau social. Nouvelles,
photos et vidéos (impressionnantes) se partageaient entre ceux qui étaient sur
place et les éloignés dans notre genre.
Une cousine – une
dame âgée – refusait de quitter sa maison au milieu des arbres malgré l’ordre
d’évacuation. Sa fille était avec elle et cherchait à la convaincre. Les
commentaires inquiets de ses « facebook friends » ont fini par
l’irriter et elle a répondu, tout en majuscule : «Arrêtez de me dire d’être raisonnable et de penser à moi. Je ne
vais pas laisser ma mère sur une colline en feu. Que feriez-vous à ma
place ?? Nous partirons quand elle sera prête à partir.»
Et puis, il y a
la «First Indian Presbyterian church of Kamiah», une petite église
toute en bois qui a accueilli ses premiers paroissiens en 1871, la plus
ancienne d’Idaho.
La famille d’Irvin – sept générations - y ont été baptisées. Et les flammes approchaient.
La famille d’Irvin – sept générations - y ont été baptisées. Et les flammes approchaient.
Dès le lendemain
de l’évacuation, Adam, le neveu d’Irvin et d’autres jeunes gens, sont revenus à
Kamiah. «Je ne peux pas rester là, à ne rien faire, dit-il sur sa page. J’y
retourne.» Là aussi, beaucoup de communication sont passées par facebook. «Mon
fils et ses amis cherchent à donner un coup de main, où doivent-ils
aller ?» écrivit une amie. Un commentaire s’afficha sous son
message. «Nous avons besoin d’aide par ici, nous avons un camion citerne plein
d’eau et un possible chemin de repli. Mais il nous faut des bras. Envoie-les
vers nous !»
Les maisons
encore debout étaient arrosées d’eau, les alentours défrichés. Les pompiers qui
devaient se multiplier sur plusieurs foyers ont apprécié le soutien.
La maison de la cousine imprudente le lendemain : toujours debout! |
D’autres bénévoles
ont fait du fry bread toute la journée et préparé des repas robustes, utilisant
les cantines des écoles et salles des fêtes. Là aussi, facebook permettait d’informer
les uns et les autres.
Au matin, «anything
new ?» était la première question que Irvin et moi nous posions l’un à l’autre.
«Je suis près de
la maison de ma grand-mère, indiquait Paige, une de nos nièces. J’aide à couper
l’herbe haute.»
«Sois
prudente Paige ! Ai-je répondu. Est-ce que l’église est toujours debout?»
Je savais que la maison proche du bâtiment.
«Oui !»
Cette semaine
pleine d’inquiétude était aussi occupée pour nous. A Indian Fellowship,
l’église d’Irvin, c’était Vacation Bible School.
L’incendie a fini
par être maitrisé. La maison
de Chris est toujours debout. Celle de la cousine imprudente aussi. Et l’église. Mais 55 maisons ont brulé.
Dimanche, au lieu
d’aller au culte, je conduisais Irvin aux urgences. Il s’était réveillé avec
des douleurs dorsales : crise de coliques néphrétiques.
En attendant le résultat
des examens, Irvin s’est assoupi, calmé par les puissants «pain-killers»
administrés. Avec mon téléphone, je tenais ses frères et sœurs au courant. Eh
oui, ils ont un groupe facebook rien que pour eux !
Irvin a ouvert un
œil et s’est tourné vers moi. «Anything new ?»
La ville de Kamiah se trouve au bord de la riviere. Cette photo a ete prise il y a quelques annees. Ce paysage est bien different aujourd'hui. |
Toutes les photos de l'incendie ont été prises par notre ami Volkhard Graf, qui vit à Kamiah. Pour voir plus de photos sur sa page facebook, cliquez ici.